17 de novembre 2006

Jonathan Littell

Il y a trois mois encore, Jonathan Littell n'existait pas. Aux yeux du public tout au moins. Le succès fulgurant de son roman, Les Bienveillantes, avec en point d'orgue le prix Goncourt, obtenu le 6 novembre, a transformé cet inconnu en personnage public. A ce Jonathan Littell, objet de la curiosité des médias - à qui l'on peut accorder le mérite de n'avoir rien fait pour organiser sa médiatisation, voire même de lui avoir tourné le dos -, on a prêté plusieurs vies et plusieurs identités. Les rumeurs les plus infondées ont circulé. Richard Millet, son éditeur chez Gallimard, aurait écrit Les Bienveillantes, à moins que ce ne soit le romancier Robert Littell, père de l'auteur... A Barcelone, où il réside, Jonathan Littell a souhaité, pour "Le Monde des Livres", s'exprimer sur son roman.

Avec le recul, quelle carrière espériez-vous pour Les Bienveillantes ?

Cela s'est déroulé par étapes. Lorsque mon agent, Andrew Nurnberg, m'a dit qu'il aimait mon roman et avait bon espoir de le vendre, j'étais déjà très heureux. Je l'ai été encore plus quand il a été accepté par Gallimard. Toute ma culture littéraire est issue de leur fonds. Sinon, je ne m'attendais pas à grand-chose. J'ai investi cinq ans de travail dans ce livre, à mes frais. Je ne croyais jamais récupérer une somme d'argent équivalant au temps passé sur ce roman. Je pensais en vendre entre 3 000 et 5 000 exemplaires. Gallimard espérait un peu plus, à mon grand scepticisme. Ensuite, tout a explosé, de manière inattendue.

Comment expliquez-vous ce succès ?

J'en avais discuté avec Pierre Nora, fin septembre, au moment où le livre avait franchi la barre des 150 000. Il a eu cette phrase intéressante : "A ce niveau-là, ce n'est ni l'éditeur ni l'écrivain qui peuvent comprendre, mais un historien." Nous avons beaucoup discuté des raisons du succès, sans trouver de réponses. Deux grandes hypothèses se dégagent. La première tient au nazisme et au rapport que les Français entretiennent avec cette période de l'Histoire. La seconde relève davantage de la littérature. Gallimard avait constaté, depuis plusieurs années, une demande pour des gros livres, plus romanesques, très construits. Il faudra en tout cas du temps et du recul pour expliquer ce succès. Voir, par exemple, comment le livre est reçu en Israël, aux Etats-Unis et en Allemagne nous permettra de comprendre ce qui s'est passé en France.

Vous êtes-vous reconnu dans les différents portraits de vous parus dans la presse ?

Pas du tout ! On a parfois raconté n'importe quoi. J'ai été sidéré par la capacité d'invention des journalistes français. J'ai découvert plein de choses sur moi. J'aurais ainsi survécu à un massacre en Tchétchénie. Etonnant. Il suffisait pourtant de taper mon nom sur Google et lire les articles du New York Times qui faisaient état d'un incident - qui n'a rien à voir avec un massacre - que j'avais eu en Tchétchénie. Revu par la presse française, on avait l'impression que je me trouvais sous des cadavres ensanglantés avant de sortir en rampant de la fosse ! Le fact checking, le fait de vérifier des informations de base, me semble peu répandu en France. Je parle pourtant de choses simples : j'aurais travaillé en Chine, je serais marié, ma mère serait française, j'habite la Belgique et je parle allemand. Tout cela est inexact.

Je n'ai pas eu envie de me prêter au jeu du portrait car je n'aime pas ça. J'apprécie particulièrement cette phrase de Margaret Atwood : "S'intéresser à un écrivain parce qu'on aime son livre, c'est comme s'intéresser aux canards parce qu'on aime le foie gras."

Vous avez écrit un premier livre, Bad Voltage, un roman de science-fiction, inédit en France, qui se déroule dans les catacombes. Quel lien tissez-vous entre ce premier texte et Les Bienveillantes ?

Les Bienveillantes n'est pas vraiment un vrai deuxième roman. Entre-temps, d'autres textes de moi ont fini au placard, comme il se doit. J'ai regretté que Bad Voltage soit publié, mais j'étais prisonnier d'un contrat et je n'avais pas l'argent pour le rompre. J'avais 21 ans, c'est une bêtise de jeunesse. Je n'ai jamais voulu cacher ce roman, mais je ne le revendique pas non plus.

Je pense aux Bienveillantes depuis l'âge de 20 ans. Richard Millet, mon éditeur chez Gallimard, voulait mettre "premier roman" sur Les Bienveillantes, j'ai dit non. Nous avons choisi la formule "première oeuvre littéraire" pour la quatrième de couverture.

Vous êtes représenté par un agent, une pratique encore peu répandue chez les écrivains en France. Pourquoi ce choix ?

Mon père est écrivain professionnel depuis trente-cinq ans. Dans le monde littéraire anglo-saxon, si on veut publier un livre, on cherche d'abord un agent. La question ne s'est donc, pour moi, jamais posée. Cette tradition française d'envoyer d'abord son manuscrit à une maison d'édition m'est étrangère. Je comprends que cela perturbe certains en France, où un équilibre assez délicat fait qu'il s'y publie des livres qui ne le seraient pas ailleurs. Ce système a un coût. En France, pratiquement aucun auteur ne peut gagner sa vie ; toute la chaîne du livre vit du livre, sauf l'écrivain.

Les Bienveillantes s'est retrouvé, dès sa sortie, couvert de superlatifs et de comparaisons élogieuses. Etiez-vous flatté ou paniqué ?

Ni l'un ni l'autre. Prenons la comparaison de mon roman avec Guerre et paix. Les gens qui affirment cela m'ont mal lu, et par ailleurs mal lu Tolstoï. Ce n'est pas du tout le même type de littérature. Dans Guerre et paix, déjà, il y a la paix. Dans mon roman, il y a juste la guerre. Il y a un autre niveau de complexité dans le roman de Tolstoï. Un va-et-vient infiniment supérieur entre la vie normale et la guerre.

L'objet des Bienveillantes est beaucoup plus étroit. C'est le génocide pendant quatre ans, avec quelques échappées à droite et à gauche. L'ambition n'est pas la même. Plus profondément, il y a cette notion d'espace littéraire élaborée par Maurice Blanchot. Quand on est dedans, on ne sait jamais si on y est vraiment. On peut être sûr de faire de la "littérature", mais, en fait, rester en deçà, tout comme on peut être rongé de doutes, alors que depuis bien longtemps déjà la littérature est là. Le texte d'un malade mental peut se révéler de la littérature, quand le texte d'un grand écrivain ne l'est pas, pour des raisons ambiguës et difficilement explicables. On est de toute façon dans le doute. On ne sait pas. Je pense que Tolstoï ou Vassili Grossman étaient dans le doute. Pour Grossman en tout cas, c'est évident. Son ambition affirmée était de faire aussi bien que Tolstoï, mais il a dû très certainement se dire en terminant son livre qu'il n'arrivait pas au petit doigt de Tolstoï. La notion d'espace littéraire évacue la notion de qualité. Un texte très mal écrit peut se révéler de la grande littérature, quand un autre, pourtant très bien écrit, n'est pas de la grande littérature. Il faut juger chaque livre en fonction de ses objectifs et ses exigences propres, et non par rapport aux autres livres. C'est la raison pour laquelle je n'aime pas les prix littéraires. Ils ont naturellement tendance à mettre les livres les uns contre les autres. Or les livres ne sont jamais les uns contre les autres. J'ai envoyé une lettre à Antoine Gallimard où je lui explique que je ne suis pas contre les autres auteurs. Mon livre est contre lui-même, il travaille contre sa propre exigence, qu'il n'atteindra bien entendu jamais.

Comment définiriez-vous cette exigence ?

Un livre est une expérience. Un écrivain pose des questions en essayant d'avancer dans le noir. Non pas vers la lumière, mais en allant encore plus loin dans le noir, pour arriver dans un noir encore plus noir que le noir de départ. On n'est très certainement pas dans la création d'un objet préconçu. C'est pour cela que je ne peux écrire que d'un coup. L'écriture est un coup de dés. On ne sait jamais ce qui va se passer au moment où l'on écrit. On essaye de poser ses pièces le mieux possible, puis on fait. Au stade de l'écriture, on pense avec les mots, plus avec la tête. Ça vient d'un autre espace. On avance par l'écriture et l'on arrive à un endroit où l'on ne pensait jamais se retrouver. C'est pour cela que je suis tout à fait prêt à accepter les critiques qui disent que je me suis trompé avec ce roman, que j'ai fait des choses fausses, inacceptables. Je ne savais effectivement pas ce que je faisais. Je pensais le savoir avant, mais le résultat final n'a rien à voir avec cela.

Comment jugez-vous ce résultat final ? Les Bienveillantes vous plaît-il ?

Il ne faut pas poser la question ainsi. Il vaut mieux s'interroger sur le concept initial pour avancer. Je peux répondre par la citation de Georges Bataille : "Les bourreaux n'ont pas de parole, ou alors, s'ils parlent, c'est avec la parole de l'Etat." Les bourreaux parlent, il y en a même qui pissent de la copie. Ils racontent même des choses exactes en termes factuels. La manière dont le camp de Treblinka était organisé, par exemple. Eichmann ne ment pas dans son procès. Il raconte la vérité. Lorsque je parle de parole vraie, je pense à une parole qui peut révéler ses propres abîmes, comme Claude Lanzmann y est parvenu avec les victimes dans Shoah.

J'ai découvert la phrase de Bataille après avoir terminé mon livre. Elle est venue m'éclairer rétrospectivement. Au début, je pensais que j'allais trouver dans les textes de bourreaux des choses auxquelles je pourrais m'accrocher. Entre ça et tous les bourreaux que j'ai fréquentés dans ma carrière - en Bosnie lorsque je travaillais du côté serbe, en Tchétchénie avec les militaires russes, en Afghanistan avec les talibans, en Afrique avec des Rwandais ou des Congolais -, je pensais avoir de quoi faire. Mais, plus j'avançais dans la lecture des textes de bourreaux, plus je réalisais qu'il n'y avait rien. Je n'allais jamais pouvoir avancer en restant sur le registre de la recréation fictionnelle classique avec l'auteur omniscient, à la Tolstoï, qui arbitre entre le bien et le mal. Le seul moyen était de se mettre dans la peau du bourreau. Or, j'avais l'expérience du bourreau. Je les avais côtoyés. Je suis parti de ce que je connaissais, c'est-à-dire moi, avec ma façon de penser et de voir le monde, en me disant que j'allais me glisser dans la peau d'un nazi.

Mais il s'agit d'un nazi hors norme, peu réaliste et pas forcément crédible.

Je suis d'accord. Mais un nazi sociologiquement crédible n'aurait jamais pu s'exprimer comme mon narrateur. Ce dernier n'aurait jamais été en mesure d'apporter cet éclairage sur les hommes qui l'entourent. Ceux qui ont existé comme Eichmann ou Himmler, et ceux que j'ai inventés. Max Aue est un rayon X qui balaye, un scanner. Il n'est effectivement pas un personnage vraisemblable. Je ne recherchais pas la vraisemblance, mais la vérité. Il n'y a pas de roman possible si l'on campe sur le seul registre de la vraisemblance. La vérité romanesque est d'un autre ordre que la vérité historique ou sociologique.

La question du bourreau est la grande question soulevée par les historiens de la Shoah depuis quinze ans. La seule question qui reste est la motivation des bourreaux. Il me semble après avoir lu les travaux des grands chercheurs qu'ils arrivent à un mur. C'est très visible chez Christopher Browning. Il arrive à une liste de motivations potentielles sans pouvoir arbitrer entre elles. Certains mettent davantage l'accent sur l'antisémitisme, d'autres sur l'idéologie. Mais au fond, on ne sait pas. La raison est simple. L'historien travaille avec des documents, et donc avec des paroles de bourreaux qui sont une aporie. A partir de là, comment construire un discours ?

Quels sont les critiques d'historiens qui vous ont le plus marqué et donc le plus stimulé ?

Certains ont soulevé des questions intéressantes sur des erreurs d'interprétation. Un historien a fait remarquer que j'avais mal interprété le rapport entre le SD (le service de sécurité de la SS) et la Gestapo en présentant les hommes du SD comme plus idéalistes que les brutes policières de la Gestapo. Il se peut ici, comme ailleurs, que je me sois planté. C'est un roman. Lorsque Vassili Grossman présente Eichmann dans un passage de Vie et destin, sa description est complètement fausse. Cela n'enlève pourtant rien à Vie et destin. Grossman voyait Eichmann en surhomme démesuré, qui trône au-dessus de tout. Cette vision résulte des matériaux auxquels il avait alors accès. C'est inexact, et alors ?

Lorsque Claude Lanzmann estime que mon bourreau n'est pas crédible, qu'il est malsain, il a raison. Sauf qu'il n'y aurait jamais eu de livre si j'avais choisi un "Eichmann" comme narrateur. La crainte de Lanzmann est que les gens ne connaîtront plus la Shoah que par mon livre. Le contraire est évident. Les ventes des oeuvres de Raoul Hilberg et de Claude Lanzmann ont d'ailleurs augmenté depuis la sortie de mon livre. Lanzmann et moi arrivons, à partir d'une même question, à deux conclusions qui sont irréductibles l'une à l'autre. Elles sont toutes deux vraies. Notre discussion n'est pas finie.

Y aura-t-il une adaptation cinématographique des Bienveillantes ?

Non. Ces droits ne sont pas à vendre. Je ne pense pas qu'il soit possible d'adapter ce livre au cinéma.

Qui va se charger de la traduction en langue anglaise de votre roman ?

Nous cherchons un traducteur avec lequel je collaborerai. Je voudrais que l'anglais ne soit pas qu'une traduction. Il y a un ton à trouver que le traducteur trouvera peut-être immédiatement.

Cette question de la langue a fait aussi débat à propos de votre roman, auquel on a reproché quelques anglicismes. Ne croyez-vous pas qu'il se cache derrière ces reproches une conception réactionnaire de la langue française, qui voudrait que celle-ci reste figée quand elle est par nature en mouvement perpétuel.

Il y a des anglicismes dans mon roman ! Et comment ! Je suis un locuteur de deux langues et, forcément, les langues se contaminent entre elles. Il y a un magnifique travail d'Albert Thibaudet qui montre, chez Flaubert, l'influence des provincialismes normands sur la langue littéraire de l'auteur de Madame Bovary. C'était perçu au départ comme une faute, mais, à partir de cela, Flaubert a produit des beautés. Chacun a ses particularités linguistiques. Alain Mabanckou va avoir de très belles trouvailles qui viennent de la manière qu'ont les Africains de parler français. Ses formules peuvent sembler bizarres, désuètes, mais elles sont magnifiques. Il est intéressant, cette année, que plusieurs prix littéraires aient été décernés à des non-francophones. Nancy Huston est anglophone. Comme pour moi, le français n'est pas la langue natale de Mabanckou. En Grande-Bretagne, cela fait des années que les plus grands écrivains sont indiens, pakistanais, japonais. Et, grâce à eux, la langue s'enrichit.

Propos recueillis par Samuel Blumenfeld

Le Monde, 16.11.2006

31 d’octubre 2006

Des "Bienveillantes" sonnantes et trébuchantes

Ce pourrait être une belle étude de cas pour étudiants d'écoles de commerce. On savait Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, prix de l'Académie française), un livre atypique : 900 pages écrites en français par un Américain et prises d'assaut en librairie. Les critiques ont assez souligné la puissance d'attraction peu banale de ce récit qui projette le lecteur dans la tête d'un bourreau nazi. Mais l'ouvrage se singularise aussi par la rupture qu'il instaure d'un point de vue strictement économique.

Avec Les Bienveillantes, on est en effet dans une situation où l'auteur paraît gagner sensiblement plus d'argent que son éditeur, ce qui n'est pas si fréquent lorsqu'un livre marche très bien. Si les ventes définitives ne sont pas connues, on peut raisonner sur une hypothèse de 150 000 exemplaires vendus en première édition net de retours. Avec un prix de vente de 25 € TTC et une fois déduits la TVA, la remise libraire, les droits d'auteur, les coûts directs de fabrication, de logistique, de publi-promotion... ainsi que le coût d'un minimum incompressible de retours, il est probable que la marge brute de l'éditeur se situe, avant allocation de frais indirects, sous le million d'euros. Ce n'est sans doute pas si mal, d'autant qu'il restera encore à l'éditeur la perspective d'une exploitation profitable en poche.

Mais qu'en est-il à présent pour l'auteur ? En supposant un taux de droits d'auteur classique de 14 % en moyenne, il percevra 500 000 euros pour la première édition française (davantage si son à-valoir excède ce montant), à quoi il faut ajouter, surtout, les recettes de cession de droits de traduction à des éditeurs étrangers : environ, dans ce cas précis, 1 million de dollars pour les seuls Etats-Unis et autant pour le reste du monde. De ces montants sera déduite la commission de l'agent (15 à 20 %). Resteront à l'auteur quelque 1 600 000 dollars (1 250 000 euros) s'ajoutant aux droits pour la France. Soit un total de 1 750 000 euros.

Le gain pour l'auteur paraît, en l'espèce, nettement plus important que celui de l'éditeur. Presque du simple au double ! Et ce pour une raison simple : contrairement à l'usage courant en France, Littell, via son agent Andrew Nurnberg, n'a conféré à Gallimard que les droits de l'édition française, se réservant les droits d'édition dans les autres langues. Fort du succès français, l'agent a pu faire monter les enchères à la Foire de Francfort. Or, sur chaque cession, il touche une commission de 15 % à 20 %, tandis que l'éditeur partage d'ordinaire les droits étrangers à peu près à égalité avec l'auteur.

Témoins de cette situation très médiatisée, les auteurs de best-sellers français ne risquent-ils pas d'être tentés de suivre l'exemple de Jonathan Littell ? De ne céder à leur éditeur français que les droits pour la France afin de toucher une plus large part des cessions étrangères ? Les éditeurs rétorqueront, non sans raison, qu'ils ont toute l'expertise nécessaire pour vendre au mieux - dans l'intérêt de l'auteur - son livre à l'éditeur étranger le plus adapté. On peut les croire. Pourtant, le "cas Littell" ne manquera pas de donner à réfléchir. Ce n'est certes pas la première fois qu'un auteur français a recours à un agent, mais c'est peut-être la première fois qu'on voit de manière aussi marquée cette rupture dans l'économie habituelle de l'édition française.

Si cet exemple faisait des émules, il suffirait que quelques ouvrages par an s'orientent, pour l'étranger, vers des agents - ceux dont la vente de droits est à la fois la plus facile et la plus susceptible d'engendrer de forts profits - pour déséquilibrer l'économie d'un service de droits étranger. Il ne s'agit pas ici de juger de l'efficacité relative des agents et des éditeurs mais simplement - parce que les premiers coûtent a priori moins cher à l'auteur que les seconds -, de mettre en relief, à travers cet exemple, une situation qui, de proche en proche, pourrait fragiliser les départements étranger des maisons d'édition, privées des quelques gros titres qui, chaque année, représentent une part substantielle de leur chiffre d'affaires. Une situation potentiellement dangereuse pour l'édition tout entière. N'est-ce pas, pourtant, le succès de l'édition dans la langue originale, pour laquelle l'éditeur prend tous les risques, qui rend possible celui des ventes étrangères ?

Florence Noiville

Le Monde, 28.10.2006

08 d’octubre 2006

El americano apabullante

Jonathan Littell triunfa en Francia con 'Les bienveillantes', una novela sobre la II Guerra Mundial vista a través de un SS

OCTAVI MARTÍ - París
EL PAÍS - Cultura - 29-09-2006

La revelación literaria francesa más destacada de 2006 es americana. Se trata de Jonathan Littell, un neoyorquino nacido en 1967, hijo del periodista y escritor Robert Littell, que acaba de publicar su primera novela, Les bienveillantes, en Gallimard, un volumen de 900 páginas del que ya se han vendido 125.000 ejemplares. Littell, que ahora vive en Barcelona, escribe en francés y dice detestar su país de origen por su falta de complejidad. Y no es complejidad lo que le falta al héroe o, mejor dicho, al protagonista y narrador de Les bienveillantes, Maximilien Aue, un oficial de las SS mitad francés, mitad alemán -es alsaciano-, que va a participar en la primera gran matanza de judíos, en Ucrania, que asiste a la batalla de Stalingrado y que acaba teniendo grandes responsabilidades en la organización de la llamada solución final. De Aue podemos sospechar además que él también es judío -su circuncisión queda inexplicada-, que no sólo se ha acostado con su hermana Una sino que ha tenido gemelos de ella y que ha sido él quien ha asesinado a su madre y al segundo esposo de ésta. Para acabar el retrato hay que añadir que Aue es homosexual y muy cultivado, con un buen conocimiento de filosofía griega.

Si Aue nos cuenta todo lo que hizo durante la Segunda Guerra Mundial, todos sus crímenes y todos los problemas que tuvo que afrontar para resolver las dificultades de orden logístico, técnico y psicológico que planteaba la industrialización del asesinato, no lo hace para disculparse o porque necesite liberarse del fardo de sus pecados. No, Aue es un verdugo que habla para defender una vez más lo que hizo. Y en eso es un verdugo extraordinario pues, como recuerda Littell en una entrevista, "los verdugos nunca hablan, y si lo hacen emplean el lenguaje del Estado", es decir, se sirven de un lenguaje tecnocrático para referirse al horror y convertirlo en mero trabajo.

El libro es, desde un punto de vista histórico, de una precisión ejemplar, incluso exagerada. Littell no confunde nunca los grados militares ni se pierde por los laberintos burocráticos del nazismo, repletos de siglas -RSHA, OKH, OKHG, OKW, IKL, HSSPF, GFP, WVHA, etcétera- que esconden detrás de cada letra miles de muertos. Su libro es una organizada inmersión en el infierno de la mano de uno de sus más distinguidos servidores. En el trayecto quedan litros y litros de alcohol bebidos para inmunizarse contra el frío y, sobre todo, la responsabilidad, centenares de retortijones intestinales de un cuerpo que se rebela cuando le prohíben sentir empatía por las víctimas, decenas de actos sexuales consumados como una estricta necesidad fisiológica. Aue sólo era capaz de amar a su hermana y se lo han vetado.

Guerra y paz, Los hermanos Karamazov, Vida y destino, La educación sentimental, es decir, Tolstói, Dostoievski, Grossman o Flaubert han sido evocados por una crítica sorprendida y que busca precedentes a la ambición de Les bienveillantes, título cuya dimensión mitológica no se explica hasta la última página. Littell dice "haber trabajado durante cinco años para preparar su libro" y que su deseo de ser preciso le ha llevado "a Ucrania, el Cáucaso y Stalingrado, a Polonia para visitar Cracovia y los lugares de los seis campos de exterminio". En Kiev cuenta haberse encontrado "con un superviviente de la masacre de Babi Yar cuando tenía 13 años, un adolescente judío que ese 28 de septiembre de 1941 consiguió escapar al asesinato de 100.000 correligionarios refugiándose en un cementerio cristiano".

La voluntad de saber qué inspira a Littell -"quería comprender los razonamientos que sirvieron para autojustificarse a esa gente que perpetraba el asesinato político de masas"- embarca a Aue en apasionantes debates: con un lingüista que define el racismo como "filosofía para veterinarios" y demuestra cómo el presunto cientifismo de las teorías raciales es una inocua transposición ideológica de la ciencia lingüística; con un comisario político comunista que le define el nazismo como "una perversión del marxismo", pues el lugar ocupado por la lucha de clases le corresponde a la lucha de razas. Son dos ideologías deterministas pero de distinta naturaleza; con un financiero e industrial nazi que justifica el asesinato de judíos porque "no hay nada más völkisch que el sionismo" que asocia el pueblo, la sangre y la tierra. "Los judíos son los primeros nacionalsocialistas", dice el millonario, y por eso cree que los alemanes han de acabar con ellos; la aristocracia antisemita no soporta la vulgaridad populista del nazismo y quisiera un mundo dirigido por una élite cultural, en la que no contaría ni la raza ni la religión; Una, la hermana, al final, concluye que "matando a los judíos nos autoasesinamos", pues "lo que nunca hemos comprendido es que esas cualidades que atribuimos a los judíos y consideramos como defectos, es decir, la avaricia, avidez, sed de dominio, cobardía y maldad simple, son cualidades profundamente alemanas, y que si los judíos las han hecho suyas es porque también se han hecho alemanes".

Littell, antes de embarcarse en un destino literario, ha dirigido la ONG Action Contre la Faim en Bosnia y Afganistán. El hecho de haberse encontrado en Sarajevo en plena guerra o en Grozny cuando empezó la revuelta chechena le ha llevado a "encontrarse en medio de montones de cadáveres. Te sientes ajeno a todo".

16 de setembre 2006

F.J.

No toques mi libro


Hace cuatro décadas, Umberto Eco hablaba de dos bandos opuestos en su famoso estudio sobre la cultura de masas: apocalípticos e integrados. Apocalípticos eran los que se resistían a las innovaciones tecnológicas y su uso en la creación artística; integrados eran los que veían estas novedades con optimismo y fe ciega en ellas. El semiólogo italiano criticaba ambas posiciones. Hoy esos dos extremos vuelven a tener adeptos, sobre todo entre los escritores. Hay algunos que siguen escribiendo a mano, en cuadernos, como Javier Marías, quien dice no haber tocado jamás un ordenador. O como Mario Vargas Llosa, quien recientemente manifestó que le horrorizaba la posibilidad de que Internet reemplazara las bibliotecas repletas de libros.

En cuanto a la posibilidad apuntada por Kevin Kelly de que los libros terminen fragmentados por la red, a disposición de cualquiera, como ha sucedido con las canciones en relación con los discos, hay quienes lo consideran una idea peregrina e irreal. "Toda creación literaria implica intertextualidad: '¡En un lugar de La Mancha' era un verso de un romance!", apunta José Antonio Millán, escritor y experto en la cultura de las nuevas tecnologías. "La visión de Kevin Kelly de un mundo de trocitos de texto flotando por Internet, listos para recombinarse, es ingenua y atrasada. Los fragmentos de obras en donde flotan es en la memoria de los lectores y de los escritores, y desde ahí actúan en la creación literaria: no hace falta Google para eso. La biblioteca universal de Google tiene la ventaja de servir para localizar el origen de una cita que no sabemos de dónde viene, pero su fin no será primordialmente literario, sino de referencia, de investigación... En un medio editorial en el que cada vez más libros de pensamiento o de ensayo se publican sin índice de nombres o de conceptos, el acceso a la búsqueda digital puede ser una bendición... sobre todo para quienes ya han comprado los libros, o para quienes están buscando un libro sobre un tema concreto".

Los temores de Updike en relación con el papel del autor en un mercado globalizado tienen algunos puntos reales. Según el escritor boliviano José Edmundo Paz Soldán, profesor de literatura en la Universidad de Cornell, hay que prepararse, en efecto, para el fin del autor tal como lo conocemos hoy. "A los libros les cuesta hoy venderse solos, y por eso las editoriales sueñan con tener autores mediáticos, y algunos escritores caen en la tentación y se suscitan escándalos como el de James Frey: una gran novela, En mil pedazos, es vendida como las memorias del autor, porque eso permite que Frey ingrese en el circuito del talk show norteamericano (Oprah y compañía), que es donde se promocionan masivamente las novedades editoriales", afirma.

"En Estados Unidos, los libros clásicos, los de autores muertos, parecen leerse sólo en universidades. El mundo editorial forma cada vez más parte del hipermercado actual de la cultura. ¿Qué pueden hacer los escritores para resistirse a ello? ¿Quieren? ¿Deben? El circuito del libro funciona gracias a la cadena editores-agentes-autores-medios-libreros-lectores, y si el cambio no ocurre a todos los niveles, las ansiedades de Updike tardarán poco tiempo en hacerse realidad del todo", continúa Paz Soldán.

"Eso, sin embargo, no debería hacernos caer en la nostalgia de que todo tiempo pasado fue mejor. Durante muchos siglos vivimos sin libros y sin la idea moderna, individualista de autor; de una manera algo irónica, quizá los cambios tecnológicos hagan que las sociedades del siglo XXI vuelvan a vivir sin libros y sin autores (o con un concepto muy diferente del autor). Eso no significa necesariamente que se esperen años terribles para la literatura; lo que nos esperan son años de redefinición de lo que entendemos por literatura".

Enrique Vila-Matas

El libro por venir

Adivinar el futuro del libro ante la supuesta amenaza digital es como especular con el resultado que obtendrá el domingo tu equipo favorito. No puedes saberlo, no tienes ni idea y mejor que no la tengas, porque si tu equipo, por ejemplo, va a perder por goleada, es inútil que lo preveas, porque no podrás hacer nada por él, nada por evitar la catástrofe. De modo que lo mejor es no molestarse demasiado especulando. Después de todo, ocurrirá lo que haya de ocurrir. Es más, en realidad el futuro digital del libro ya está escrito, y no creo que en su escritura haya participado yo ni vaya hacerlo.

Me acuerdo ahora de que alguien, hará unas semanas, sin permiso alguno, escaneó y colgó entera en la red una novela mía, editada en Barcelona hacía ya siete años. Pasada la inicial sorpresa y las consiguientes dudas sobre si debía indignarme ante un hecho como aquél, reaccioné tomándolo todo por el lado más pragmático. Recordé que cuando escribí aquel libro, aún no tenía ordenador y, por tanto, nunca lo había tenido guardado en mi disco duro. Me pareció de pronto muy útil tener colgada allí esa novela, porque a veces copio fragmentos de mis propios libros para ilustrar alguna respuesta en alguna entrevista hecha por e-mail. Se trata sólo de una forma de ganar tiempo. A veces, si la pregunta es, como de costumbre, claramente redundante y se interesa por saber algo que la obra escrita explica de forma suficiente, copio directamente el fragmento aquel donde eso se explica. Y es que me siento cercano a quienes, como John Updike, están convencidos de que la obra escrita habla por sí misma y se encuentran incómodos cuando se ven empujados a la fastidiosa promoción del producto, a ejercer de anuncios andantes y parlantes de sus libros.

Como se ve, supe encontrar el lado útil de la espinosa cuestión de ver pirateada en la red mi novela, y creo que de algún modo, con esa espontánea reacción y casi de forma inconsciente, tomé una posición personal ante el dilema que afecta al libro por venir. Y es que puede ocurrir que las grandes cuestiones mundiales se resuelvan a veces de la forma más insólita, se resuelvan discretamente en nuestros domicilios, meditando sin tensiones sobre el asunto, desdramatizándolo mientras, por ejemplo, distraídamente nos disponemos a plagiar en la red un fragmento nuestro, es decir, a asestarle secretamente en privado el golpe de gracia a nuestra propia autoría.

Tenemos derecho a ello, aunque creamos al mismo tiempo, como John Updike, en la necesidad de valorar y cultivar nuestra individualidad, aunque sigamos teniendo fe en los libreros independientes que civilizan sus barrios, aunque sigamos pensando que el libro no es nada si no es "un lugar de encuentro, en silencio, entre dos mentes, en el que una sigue los pasos de la otra, pero es invitada a imaginar...", aunque siga turbándonos la insustituible y conmovedora relación que existe entre lector y autor.

El discurso de John Updike a los libreros en la convención Book Expo, su encendida glosa a la individualidad me remite inmediatamente a Witold Gombrowicz cuando, nadando contracorriente, decía en 1954: "Es necesario restablecer el equilibrio. En nuestros días, la corriente de pensamiento más moderna será la que redescubra al individuo". Nada tenía Gombrowicz contra el pensamiento colectivo, y menos aún contra la humanidad, pero consideraba necesario restablecer el equilibrio perdido. El texto de Kevin Kelly que ha desencadenado los comentarios de Updike me ha recordado, por su parte, a unos jóvenes amigos estalinistas de la universidad que estaban obsesionados con la idea de aniquilar todo trazo de una posible autoría artística. Tenían algo -o mucho- de comisarios políticos y perseguían con verdadera ferocidad, no sólo a los autores consagrados, sino a aquellos jóvenes de su propio medio que despuntaban con una inteligencia artística claramente superior a la suya.

"Es que tú pretendes ser un autor", era la pintoresca acusación que les había oído decenas de veces. Desahogaban su falta de talento invocando teorías marxistas y reprimiendo con ellas a todo posible embrión de autor. Tenían algo -o mucho- de Kevin Kelly, el hombre que tanto ha alarmado a Updike con su tesis sobre la gloriosa digitalización de todo el saber escrito y la desaparición de los autores en aras de un único libro universal, de un flujo de palabras prácticamente infinito al que se accederá mediante Google: una deformación grotesca de la biblioteca universal que imaginara Borges y que en manos de Kelly se convierte en un espeluznante libro de arena, que a buen seguro provocaría el sarcasmo del escritor argentino. Lo cierto es que si todo eso de lo que habla Kelly llega algún día, estamos perdidos. Pero lo estaremos igual cuando llegue. Y nadie, por otra parte, va a enterarse, porque estará escrito en la arena. En cualquier caso, mientras los libros sigan teniendo rugosos o lisos lomos, habrá vida en la playa y seguiremos buscando cínicamente, lejos de nuestros privados delitos contra la autoría, ese estilo que llega al fondo de las cosas, ese estilo que contiene las desdichadas formas de la individualidad, de la libertad, de la independencia, acaso también de la maestría.

John Updike

El final de la autoría

Libreros, ustedes son la sal del mundo de los libros. Ustedes están en la línea del frente, en la que, mientras el autor se encoge en su fumadero de opio, ustedes se topan -o "interactúan", como decimos ahora- con los singulares y misteriosos estadounidenses que están dispuestos a soltar 20 euros por un libro. Las librerías son fuertes solitarios, que arrojan luz sobre la acera. Civilizan sus barrios. Con mi madre solía visitar las dos tiendas del centro de Reading, Pensilvania, una ciudad que por aquel entonces tenía 100.000 habitantes, y todavía recuerdo su nombre y ubicación: Book Mart, en la Calle Sexta con Court, y Berkshire News, en la Calle Quinta, frente a la parada del tranvía que nos llevaba a nuestra casa de Shillington.

Cuando me fui a la universidad, quedé maravillado por la abundancia de librerías que había alrededor de Harvard Square. Además de Coop y varios establecimientos en los que estudiantes pobres como yo podían comprar volúmenes andrajosos contaminados por subrayados y notas al margen ajenos, había librerías que abastecían a la burguesía, el profesorado, y los estudiantes de élite a los que les sobraba dinero y tiempo para leer. The Grolier, especializada en poesía moderna, ocupaba un lugar selecto en Plympton Street, y al otro lado, en Bolyston, estaba Mandrake, un santuario más espacioso de libros de carácter inusual, diáfano y modernista. En Mandrake -presidida por un hombre de poca estatura y voz queda, con el pelo canoso peinado hacia atrás- había libros ingleses, Faber & Faber y Victor Gollancz, obras con sobrecubiertas puramente tipográficas, tapas duras cubiertas con telas que se deformaban por la humedad de su travesía transatlántica, libros de arte, demasiado lustrosos y caros incluso para mirar, y por supuesto libros de New Directions, con un formato modesto y unos deliciosos contenidos todavía por leer.

Después de Harvard, estuve un año en Oxford, y hojeaba durante aturdidas horas el laberíntico tesoro de Blackwell's, situada en la calle Broad: estanterías de Everyman's y Oxford Classics, y las obras completas de Santo Tomás de Aquino, ¡con cubiertas de papel azul celeste, y en latín e inglés! Luego llegué a Nueva York, cuando la Quinta Avenida todavía parecía estar bordeada de librerías: la señorial Scribner's, con la escalera central y la carpintería metálica de sus balcones, decorada con volutas, y Doubleday's, a unas cuantas manzanas de allí, con una escalinata en espiral que se veía a través del cristal blindado.

Ahora vivo en una esquina que recuerda a un pueblo en una pequeña ciudad de Nueva Inglaterra en la que hay -¡qué maravilla!- una librería independiente, una de las pocas que sobreviven en el largo tramo de costa que une Marblehead y Newburyport. Pero, al parecer, vivo engañado. El pasado mayo, The New York Times Magazine publicaba un extenso artículo que predecía alegremente el fin del librero y, de hecho, el del escritor. Escrito por Kevin Kelly, identificado como el "inconformista inveterado" de la revista Wired, el artículo describe una gloriosa digitalización de todo el saber escrito. Según Kelly, el plan que anunciaba Google en diciembre de 2004 de escanear el contenido de cinco importantes bibliotecas de investigación e incluir una opción de búsqueda ha resucitado el sueño de la biblioteca universal. "El explosivo avance de la red, que ha pasado de la nada al todo en una década", escribe, "nos ha animado a volver a creer en lo imposible. ¿Puede que la tan anunciada gran biblioteca de todo el saber realmente esté a nuestro alcance?".

A diferencia de las bibliotecas de antaño, prosigue Kelly, "ésta sería verdaderamente democrática, y ofrecería cualquier libro a cualquier persona". La naturaleza anárquica de la verdadera democracia va surgiendo poco a poco. "Una vez digitalizados, los libros pueden desenmarañarse en una sola página, o reducirse todavía más, en fragmentos de una página", escribe Kelly. "Estos fragmentos se mezclarán de nuevo en libros reordenados y estanterías virtuales. Al igual que los oyentes ahora hacen malabarismos y reordenan canciones para concebir nuevos álbumes (o selecciones, como se denominan en iTunes), la biblioteca universal alentará la creación de estanterías virtuales, una colección de textos, algunos de tan sólo un párrafo, y otros con la extensión de un libro entero, que formarán una estantería de biblioteca con información especializada. Y, como ocurre con las selecciones musicales, una vez creadas estas estanterías se editarán e intercambiarán en espacios públicos comunes. De hecho, algunos autores empezarán a escribir libros para que se lean como fragmentos, o para que se remezclen en forma de páginas".

Las repercusiones de este paraíso de fragmentos que fluyen en libertad se abordan con una engañosa improvisación, como algo que cae por su propio peso, una cuestión de afloramiento marxista inexorable. Cuando el modelo económico actual desaparezca, escribe Kelly, la "base de la riqueza" pasará a "las relaciones, los vínculos, la conexión y el compartir". En lugar de vender copias de sus trabajos, escritores y artistas podrán ganarse la vida vendiendo "actuaciones, acceso al creador, personalización, información complementaria, falta de atención (mediante anuncios), patrocinio o suscripciones periódicas; en resumen, todos los pródigos valores que no se pueden copiar. La copia barata se convierte en la 'herramienta de descubrimiento' que comercializa estos otros valores intangibles".

A medida que leo, esto me parece un escenario bastante espeluznante. "Actuaciones, acceso al creador, personalización"; sea lo que sea eso, ¿no nos devuelve a las sociedades anteriores a la alfabetización, donde sólo la persona presente y viva puede causar impresión y ofrecer, por así decirlo, valor? ¿Acaso los escritores no han imaginado, desde los inicios de la revolución de Gutenberg, que en sus textos escritos e impresos ya estaban dando un "acceso al creador" más directo, más proporcionado y más cargado de valor estético e informativo que una conversación no meditada o pulida? ¿La revolución electrónica nos ha llevado tan lejos en el sendero de la celebridad como bien supremo que las obras de un autor, ya sea un volumen o cincuenta, le sirven principalmente como billete hacia la tarima de la conferencia o, ya que incluso eso resulta un tanto jerárquico y distante, una serie de orgías individuales de acceso personal?

En mis primeros 15 o 20 años de autoría, casi nunca se me pidió que diera un discurso o concediera una entrevista. Se suponía que la obra escrita hablaba por sí misma y se vendía sola, a veces sin tan siquiera la fotografía del autor en la solapa posterior. A medida que al autor se le retira paulatinamente de sus viejas responsabilidades de confrontación y provocación indirectas, ha aumentado su importancia como una especie de anuncio andante y parlante del libro, tal vez una tarea mucho más agradable y halagadora que crear el libro en soledad. Los autores, si es que comprendo las tendencias actuales, pronto serán como madres suplentes, úteros de alquiler en los que una semilla implantada por poderosos asesores podrá madurar y, nueve meses después, ser lanzada entre berridos al mercado.

¿Al imaginar un enorme flujo de palabras prácticamente infinito al que se accederá mediante motores de búsqueda y poblado por ingentes y promiscuos fragmentos de palabras carentes de autoría atribuida, no estamos privando a la palabra escrita de su anticuada función de comunicación entre personas mediante invenciones como el alfabeto y la prensa escritos, o, en resumidas cuentas, de responsabilidad e intimidad? Sí, hay toneladas de información en Internet, pero buena parte de ella es atrozmente imprecisa y juvenil, y no está editada ni atribuida. Las maravillas electrónicas que abundan a nuestro alrededor sirven, sorprendentemente, para inflamar el aspecto humano más informal y falto de sentido crítico que tenemos; nuestras pantallas de ordenador nos miran con una especie de gigantesco e instantáneo "¡caramba!", que desarma por su modestia e inquieta por su timidez.

El libro impreso, encuadernado y pagado era -y de momento sigue siendo- más riguroso y exigente con su creador y el consumidor. Es un lugar de encuentro, en silencio, entre dos mentes, en el que una sigue los pasos de la otra, pero es invitada a imaginar, a discutir, a coincidir en un nivel de reflexión que va más allá del encuentro personal, con sus convenciones meramente sociales, su compasivo relleno de tonterías y perdón mutuo. Los lectores y escritores de libros se están acercando a la condición de renegados, hoscos ermitaños que se niegan a salir a jugar bajo el sol electrónico de la aldea posGutenberg. "Cuando se digitalicen los libros", promete amenazadoramente Kelly, "la lectura se convertirá en una actividad comunitaria... La biblioteca universal se convertirá en un único texto extremadamente largo: el único libro del mundo".

Los libros normalmente tienen lomos: algunos rugosos, otros lisos, y unos cuantos, al menos en mi extravagante editorial, incluso están manchados por encima. En el hormiguero electrónico, ¿dónde están los lomos? La revolución de los libros, que desde el Renacimiento en adelante enseñó a hombres y mujeres a valorar y cultivar su individualidad, amenaza con acabar en una centelleante nube de fragmentos.

Así pues, libreros, defiendan sus fuertes solitarios. Que no se aneguen sus lomos. Sus lomos son nuestra prerrogativa. Para algunos de nosotros, los libros son intrínsecos a nuestro sentido de la identidad personal.

05 de setembre 2006

Espacio público

MANUEL DELGADO

EL PAÍS
, 05-09-2006


Concluirá este mes de septiembre la exposición que en el Centro de Cultura Contemporánea de Barcelona ha servido para mostrar los trabajos concurrentes al Premio Europeo del Espacio Público 2006, que convoca el Archivo del Espacio Público Urbano. La exhibición -En defensa del espacio público- nos ha deparado una excelente oportunidad para pensar qué quiere decir exactamente "espacio público", un concepto que ha ido ganando protagonismo en las dos últimas décadas, que ocupa hoy un lugar central en las iniciativas y las retóricas a propósito de los contextos urbanizados y que es bastante menos inocente y natural de lo que se antojaría a primera vista.

De entrada, espacio público podría ser un instrumento conceptual que le permitiera a las ciencias sociales de la ciudad agrupar los diferentes exteriores urbanos: calle, plaza, vestíbulo, andén, playa, parque, muelle, autobús..., entornos abiertos y accesibles sin excepción en que todos los presentes miran y se dan a mirar unos a otros, en que se producen todo tipo de agenciamientos -microscópicos o tumultuosos, armoniosos o polémicos-, en que se dramatizan encuentros y encontronazos, luchas y deserciones, reencuentros y extravíos... Inmensa urdimbre de cuerpos en movimiento que nos depara el espectáculo de una sociedad interminable, rebosante de malentendidos y azares. Ese espacio sólo existe como resultado de los transcursos que no dejan de atravesarlo y agitarlo y que, haciéndolo, lo dotan de valor tanto práctico como simbólico.

Para el urbanismo oficial espacio público quiere decir otra cosa: un vacío entre construcciones que hay que llenar de forma adecuada a los objetivos de promotores y autoridades, que suelen ser los mismos, por cierto. En este caso se trata de una comarca sobre la que intervenir y que intervenir, un ámbito que organizar en orden a que quede garantizada la buena fluidez entre puntos, los usos adecuados, los significados deseables, un espacio aseado y bien peinado que deberá servir para que las construcciones-negocio, los monumentos o las instalaciones estatales frente a los que se extiende vean garantizada la seguridad y la previsibilidad. No en vano la noción de espacio público se puso de moda entre los planificadores sobre todo a partir de las grandes iniciativas de reconversión de centros urbanos, como una forma de hacerlos apetecibles para la especulación, el turismo y las demandas institucionales en materia de legitimidad. En ese caso hablar de espacio siempre acaba resultando un eufemismo: en realidad se quiere decir siempre suelo.

Afín a esa idea de espacio público como complemento o guarnición para los grandes pasteles urbanísticos, hemos visto prodigarse un discurso también centrado en ese mismo concepto. En este caso, el espacio público pasa a concebirse como la realización de un valor ideológico, lugar en que se materializan diversas categorías abstractas como democracia, ciudadanía, convivencia, civismo, consenso y otras supersticiones políticas contemporáneas, proscenio en que se desearía ver pulular una ordenada masa de seres libres e iguales, guapos y felices, seres inmaculados que emplean ese espacio para ir y venir de trabajar o de consumir y que, en sus ratos libres, pasean despreocupados por un paraíso de amabilidad y cortesía, como si fueran figurantes de un colosal anuncio publicitario. Por descontado que en ese territorio toda presencia indeseable es rápidamente exorcizada y corresponde maltratar, expulsar o castigar a cualquiera que no sea capaz de exhibir modales de clase media.

Entre esas dos visiones se debate hoy esa nueva disciplina que en arquitectura atiende al diseño de exteriores. Por un lado los imperativos que marcan conjuntamente el mercado y la política obligan al arquitecto a afinarse en la producción de espacios que sean a la vez vendibles y vigilables. Para ello se le tienta con ofertas que pueden espolear su tendencia a convertir la obligación de crear en pura soberbia formal, de la que el producto suelen ser espacios tan irritantes como inútiles. Frente a las tentaciones de una ciudad hecha poder y hecha dinero, el arquitecto puede hacer prevalecer, en cambio, lo que quede en él de voluntad de servicio a la vida, es decir a eso que ahí fuera se levanta y se desmorona sin descanso, la actividad infinita de los viandantes, las apropiaciones a veces furtivas, a veces indebidas, de los desconocidos.

Contemplar el trabajo del Archivo del Espacio Público europeo otorga una cierta dosis de esperanza al respecto. La orientación de los materiales expuestos en el CCCB y los premios otorgados -muelle en el puerto de Zadar (Croacia); intersticio bajo una autopista en Zaanstad (Holanda)- parece apostar por hacer compatibles los lenguajes más creativos con la humildad de propuestas que son conscientes de hasta qué punto dependen de los usos y de los sentidos -sublimes o prosaicos- con que los usuarios acabarán determinándolos. He ahí, pues, la posibilidad de una arquitectura que renuncie a ser lo que algunos quisieran que fuera: un discurso arrogante que pretende convertir al mundo en modelo del que colgar sus diseños, vanidad de la que la que los intereses políticos y económicos sacan provecho. En vez de eso, la línea que se prima en esta exposición parece apuntar en otra dirección: la de un urbanismo que se pase al enemigo -lo urbano-; la de una arquitectura que entiende el espacio público como un ente vivo al que servir, haciendo de él lo que ya es: ese escenario ávido de acontecimientos, dispuesto para que las cosas se crucen y se junten.

03 de juliol 2006

Javier Marías

EL PAÍS - Cultura - 02-07-2006

ÁNGELES GARCÍA - Madrid

Elegido el pasado jueves para ocupar el sillón R de la Real Academia Española, Javier Marías (Madrid, 1951) tiene ya ideas muy claras sobre lo que puede ser su trabajo en esa institución, que él respeta profundamente. Está contento por el resultado de la votación -más de dos tercios de los académicos en posesión de plaza- y porque en su casa madrileña tiene los ejemplares de la edición de Tu rostro mañana, que ahora se publica en el mercado anglosajón. Entre partido y partido del Mundial de fútbol, el nuevo académico habla de la aventura de las palabras, de su pasión por las excursiones etimológicas, de lo mal que se habla en España porque la lengua está cada vez menos asida y no se maneja como algo propio, y de lo injusto que es que Ucrania pueda jugar en cuartos de final, cuando fue vencida por España.

Pregunta. Se ha dicho que sus novelas tratan de la aventura de las palabras.

Respuesta. Un crítico francés dijo que mis novelas relataban aventuras del pensamiento. Soy un tipo de escritor que se preocupa por el estilo y el ritmo de la prosa, pero procuro no olvidar que la novela es una representación con diálogos, vicisitudes. Me asusta eso de aventura de las palabras porque la gente puede pensar "pues vaya rollo". El protagonismo de la palabra se ha acentuado un poco más en Tu rostro mañana porque tiene la particularidad de que la mayor parte de la acción transcurre en Inglaterra. El narrador es español, pero hay personajes que no lo son. Ocurre que tienen conversaciones en español, pero hay observaciones sobre tal o cual palabra. Por ejemplo, el narrador dice que echó de menos una expresión en su lengua que es "sota, caballo y rey", porque no conoce el equivalente en inglés. Eso siempre me ha gustado. En algún otro libro he hecho alguna excursión de tipo etimológico.

P. La etimología le gusta mucho.

R. Es un mundo fascinante. Me gusta pararme a pensar de dónde viene una palabra. Conrad, que era polaco y aprendió inglés a los 21 años, tenía un dominio de esa lengua, que para él era aprendida, muy novedosa porque lo hacía de forma oblicua, en el sentido de que recogía todos los diferentes ecos que tiene una palabra. En mis novelas hay una gran atención a las palabras de una u otra lengua. Cuando se habla más de una, se siente la carencia y la nostalgia de las otras.

P. ¿Qué lenguas domina?

R. El inglés, que es de la única lengua que me he atrevido a traducir. Manejo bien el italiano y también el francés.

P. ¿Qué destino le espera al español?

R. Veo un mal futuro. Me refiero siempre al español que se habla en España, no al que se habla en América, porque no lo conozco mucho. Lo más grave ha ocurrido en los últimos 20 años, y poco puede hacer la Academia; es que se ha perdido lo que yo llamaría la instalación en la lengua. Tengo la sensación de que las palabras y la lengua no son algo que las personas tienen asido. Son algo que está flotando como un magma en torno a los hablantes. No hay una posesión verdadera. Antes se hablaba mejor o peor, con un léxico más o menos rico, pero la gente se expresaba con una cierta elocuencia siendo rico o pobre, instruido o analfabeto. Hoy mismo, en una entrevista para la radio, hablando del Real Madrid, equipo que me gusta y que está fatal, el periodista me ha dicho "no quiero restañarte en la herida", cuando lo que quería decir era que "no quería ahondar en mi herida". Esto es frecuentísimo. Se están perdiendo los verbos específicos. Otro ejemplo: hay quien dice hazme un beso en lugar de dame un beso. O hizo un crimen horrible, en lugar de cometió un crimen horrible. Se recurre al verbo hacer para casi todo. Se ha perdido el uso de palabras tan cómodas y fáciles de usar como "cuyo". ¿Qué pasa con esta sopa boba en la que la gente parece flotar?

P. ¿Tiene todo esto que ver con la política de enseñanza bilingüe que desde hace tiempo se imparte en algunas comunidades autónomas?

R. No lo sé. Puede que sí, aunque está demostrado que el bilingüismo no tiene que ser empobrecedor. Y el problema no ocurre sólo en Cataluña o en el País Vasco. En Madrid la gente habla como perros y los primeros son los políticos. Lo que dicen los políticos sale en los medios de comunicación todos los días, lo merezcan o no. Y aunque un político no sea una autoridad lingüística, sí tiene autoridad. La gente cree que si habla con la pomposidad o frases vacuas de los políticos va a ser más importante. Eso es una plaga. Y quiero añadir que, en estos últimos tiempos, los políticos se están metiendo en cuestiones que no les competen. ¿Quiénes son para decidir que se diga A Coruña y no La Coruña? ¿o Lleida y no Lérida? La Academia sugiere, orienta y aconseja, pero no ordena. ¿Quién es un concejal o un libro de estilo para dar órdenes?

P. ¿Conoce alguna palabra que le haga ilusión ver en el diccionario?

R. Chafardear. Se utiliza en el sentido de enredar, revolver, cotillear...

P. ¿Y palabras que no quisiera ver en el diccionario?

R. No querría ni ver ni oír en ninguna parte todas esas palabras o frases que son producto de lo políticamente correcto (ciudadanos-ciudadanas). Hay que llamar a cada cosa por su nombre. Es como si yo, que soy zurdo, protestara porque en el diccionario la palabra zurdo figura junto a siniestro. Hay que dejar que la gente hable como quiera, según le dicte su sentido común. La lengua es una de las pocas cosas libre y gratis que tiene todo el mundo. La lengua te permite jugar con ella, hacer juegos de palabras. La creación de vocablos que no existen en el diccionario es permanente. Hace un par de semanas utilicé "alarmadizo" en un artículo. Es una palabra que se explica por sí sola (si alguien puede ser asustadizo, también alarmadizo) y a mí me suena bien. Y siguiendo con las expresiones absurdas hay una que estos días se oye mucho en el Mundial y que es "la pelota al piso", en lugar de al suelo. Es una expresión que no se de dónde viene, pero que me pone de los nervios. Me repugna bastante leer palabras como "multidisciplinaridad", que el otro día leí en un texto de un catedrático publicado en El PAÍS. Es una plaga de pomposidad insoportable.

P. Hay manuales de cómo triunfar en la vida laboral en los que se recomienda el uso de ese tipo de lenguaje.

R. No es porque ahora sea académico, pero tengo previsto escribir sobre ello. Ya hice uno que titulé algo así como Guía para detectar farsantes. Analizaba algunos usos y modos que estaban en boga. Escribí, que el que usaba esos términos, era alguien al que no había que tratar, que era alguien no fiable. Uno de los elementos principales que tenemos para detectar cómo es la persona que tenemos delante es el lenguaje que utiliza. Por como habla sabemos si es un hipócrita, un fascista, un estalinista.

P. Y en el mundo del fútbol que tanto le gusta, ¿qué tal se habla?

R. Mal. No es que su misión sea enseñar, pero a veces utilizan palabras absurdas u horrendas, depende del momento. Pero no creo que los deportivos sean peores que los demás.

08 de juny 2006

La deserció de la lectura

La deserció de la lectura

Ponç Puigdevall

El País, 08.06.2006


El títol que més destacava de la temporada anterior dins de la línia còmica sense intenció expressa anava a càrrec de Ponç Pons: Dillatari era una joia gloriosa de despropòsits, d’ingenuïtats meravelloses sofisticadament embolicades, un exemple nítid per ensenyar que, a vegades, la passió pels llibres i la mania d’escriure era una diabòlica manera de distanciar la vida de la cultura i una fèrria preocupació per fer perdre el temps al públic. Dillatari era un exercici constant de tristesa creativa on una veu narradora que coincidia amb el nom de qui firmava el llibre repetia fins a l’extenuació que li agradava molt i molt llegir i escriure i, inconscientment, es delatava com un addicte incurable a tots els tòpics memorables que ha imaginat la fortuna literària. També hi havia imatges que s’enregistraven amb força a la memòria: una d’elles era l’intent de descriure com l’autor i un amic lletraferit caminaven descalços per una platja i, de sobte, es vivia la revelació d’un secret: l’amic s’aturava sota els raigs de sol i deia ben alt i amb una veu desesperada que calia considerar a Salvat-Papasseït com un gran poeta. L’amic era un altre poeta delicat i exquisit, un niu de saviesa i cultura excelsa i gran partidari, també, d’amanir els seus llibres amb unes dosis gegantines de tòpics i obvietats sobre la matèria literària, capaç de repetir fins a l’extenuació (també) que li agradava moltíssim llegir i escriure i l’art, i que la naturalesa l’havia dotat d’una vocació literària inqüestionable. El seu nom és Àlex Susanna (Barcelona, 1957), i el lector constant ha tingut ja el privilegi de riure estrepitosament amb els seus poemes de l’experiència culturalista i, sobretot, amb els seus tres dietaris anteriors. Ara, amb el quart, Quadern dels marges, el lector pot tenir a les mans el llibre més còmic de la temporada. I que ningú caigui en la temptació d’il·lusionar-se: superar-lo no és ja que sigui una feina difícil, sinó gairebé impossible.

Quadern dels marges és un dietari sense dates on Àlex Susanna explica què llegeix, on comenta les obres d’art que l’atzar li posa al davant, i on va repetint amb voluntat i tossuderia les alegries i les emocions que li ocasiona la seva fidel entrega a les exigències de la cultura. El to del llibre és manté [moooc!, Puigdevall] incòlume des del principi fins al final, i el lector experimenta en tots els instants un estremiment estètic proper al plor d’ençà que s’enfronta amb el paràgraf que enceta el llibre: “I de sobte, ganes d’anar-me a comprar un quadern, amb la sensació d’haver anat acumulant la necessitat d’escriure-hi, mig conscientment mig inconscientment, com per fer-la més imperiosa, i més insuportable, un bon dia, l’espera: tan senzill com això i alhora tan difícil, car no sempre se’n tenen, de ganes d’escriure, més aviat poc sovint, només quan hi ha un cert acord amb la vida”. No es pot posar en dubte que Àlex Susanna deu habitar enmig d’unes circumstàncies particulars que li proporcionen una segura tranquil·litat vital, però ja no és tan clar que l’obsessió pels llibres i la lectura li garanteixin una escriptura plàcida i llegible. El millor del llibre, és una evidència, són les citacions dels autors que Àlex Susanna va llegint incansablement, però hi ha hagut el lector amb sentit comú que ha assenyalat que Quadern dels marges estableix el rècord mundial de paraules escrites per una mà que no pertany a la de l’autor. Més enllà de l’habilitat per triar fragments de textos dels escriptors que assegura que admira, Àlex Susanna explica detalls i anècdotes tan necessàries com que no tornarà a escriure mai més cap poema dedicat a la lluna, creu essencial fer conèixer a tothom que comença el dia llegint versos dels seus poetes predilectes, considera imprescindible anotar que les primeres i les últimes hores del dia són una delícia, o fa observacions líriques de caire còsmic com la que segueix: “Aquesta nit no ha parat de tronar. Eren uns trons, però, somorts, amb sordina o silenciador, que s’han anat produint hores i hores; un simulacre, un assaig de tempesta? Una volta de preescalfament inacabable? Què diantre deuria remugar el temps, què el tenia tan emmurriat?”. La meteorologia ocupa un espai notable dins de les preocupacions diàries del poeta. També ho fa l’aventura gastronòmica: no hi ha res com les amanides de Formentera, conservadores del gust clàssic de la cuina de sempre.

A l’altra banda del cabdal [moooooc!] inabastable de frases dignes d’esculpir en el record dels col·leccionistes d’extravagàncies literàries —diguem-ho així— la publicació de llibres com Quadern dels marges planteja un seguit de preguntes substancioses sobre el mercat editorial: ¿existeix algú amb criteri que faci de director literari? ¿Hi ha algú que es dediqui a mirar i revisar l’escriptura dels textos? A part dels amics i admiradors de l’autor (i de les víctimes que han de ressenyar-lo mentre miren d’esquitllentes els llibres prometedors que encara no han obert), ¿es pretén enganyar als [mooooooooc!] lectors de bona fe amb la creació d’un personatge increïble? ¿Cap on porta tanta vanitat i tanta exhibició de l’instint superflu? La resposta és clara i perillosa: cap a la deserció de la lectura, i no deixa de ser paradoxal que sigui precisament un llibre que només vol elogiar els llibres i la lectura.

Quadern dels marges, Àlex Susanna; Planeta, Barcelona 2006.

02 de juny 2006

David Sifry

David Sifry, fundador de Technorati: "Yo soy el editor del siglo XXI"

Cada segundo nace un 'blog' y se colocan en Internet más de dos informaciones, según este buscador - "El escritor de 'blogs' es cada día más activo" - Internet ha pasado de ser la gran biblioetca a ser la gran conversación"


EL PAÍS - 01-06-2006

Cada segundo que pasa nace un blog. Cada día, 75.000; cada seis meses se duplica la población de la blogosfera, que es hoy 60 veces más grande que hace tres años.
Todo esto lo sabemos por David Sifry, el hombre que en 2003 años fundó Technorati, un buscador sólo para los blogs, los diarios personales que inundan Internet.

Graduado en Ciencias de la Computación por la Universidad de Johns Hopkins, ya ha cumplido una década de vida fundando empresas y predicando las bondades de las redes WiFi, del código abierto y de los weblogs. Sufrió y sobrevivió a la burbuja de las puntocom. "Una locura. Entonces dirigía LinuxCare.com, dedicada a dar servicio a los linuxeros 24 horas al día. En 18 meses pasamos de tres empleados a 300. Fue en su momento la segunda empresa más importante del mundo de Linux". Sifry cree que ahora se vuelve a vivir un proceso parecido a la fiebre de las puntocom. "Es el ciclo de la vida", dice con absoluta pachorra.

Con el inicio de siglo, Sifry se convirtió en un inquieto blogger (aún sigue practicando); "pero no había ninguna herramienta para buscar otros blogs por temas o por fechas o por personas. Los tradicionales, Google o Yahoo!, no me servían. Yo necesitaba un buscador sólo para blogs. Así fundé Technorati".

Technorati se dedica a contar los blogs más visitados, y las temáticas, y sus protagonistas, y qué opina la gente de cualquier cosa, con informaciones escritas cinco minutos antes. Por eso Sifry dice orgulloso: "Soy el editor del siglo XXI".

Grande y orondo, Sifry digiere su satisfacción en un viejo almacén de San Francisco, sede de la empresa. Su éxito es haber derrotado a Google y a Yahoo!, aunque Sifry, después de la creación de otras tres puntocom, lo explica de otra forma: "Mi éxito es haber hecho por primera vez la empresa que quería. Mi éxito es la felicidad".Technorati es la cuarta aventura de David Sifry. Antes fundó Securemote (1996), dedicada a la seguridad en Internet; Linux Care (1998), asistencia a linuxeros 24 horas al día, y Sputnik (2002), instalación de redes WiFi. En 2003, en plena googlemanía, se atrevió a lanzar un buscador sólo para blogs, Technorati. Sifry tenía 34 años, un segundo hijo recién nacido y algunas facturas pendientes.

Tres años después, la blogosfera no se puede conocer sin Technorati. Rastrea 41,6 millones de blogs, clasifica las más populares, por visitas, por temas, dice de qué películas o libros se habla, o qué vídeos son los más vistos. Hasta los periódicos recurren a Technorati.

Pregunta. ¿Qué tiene esta empresa que no tenían las anteriores que creó?

Respuesta. En las anteriores, el primer dinero, la primera energía, se destinaba a inventarse un plan de negocio tan gordo como una guía telefónica. En esta ocasión yo quería hacer algo para mí, algo que yo necesitara. Un punto de partida radicalmente diferente.

P. La confirmación de su éxito llegó cuando Google y Yahoo! sacaron buscadores específicos para blogs. ¿Ha notado su competencia?

R. Sí, al mes de salir, nuestro tráfico creció el 85%. Mes a mes crecemos con dobles dígitos; el 40% de los vídeos de YouTube usan Technorati. Recientemente, más de 400 periódicos de Estados Unidos se han asociado con nosotros para que se puedan comentar las noticias en el mismo instante que se leen, y ver lo que opinan otros.

P. ¿Google y Yahoo! se han quedado viejos?

R. Internet es la mayor biblioteca que existe. Google, su mayor bibliotecario, el que encuentra todas las páginas y todas las referencias; pero Google pertenece a un Internet antiguo; el de ahora es más móvil, más social, donde la gente no sólo lee, sino que habla, escribe, fotografía o filma. Es otra forma de usar Internet. Internet ha pasado de ser la gran biblioteca a ser la gran conversación.

P. ¿Está matando a Google?

R. No, por supuesto. Lo uso cada día. Google tuvo el acierto de ver que la lista de resultados era un arma comercial. Fue una brillante idea ligar los enlaces a las páginas para dar resultados relevantes; pero Google, como Yahoo! o MSN, no ha comprendido el concepto de tiempo ni el de personas. Buscan páginas relevantes, pero los contenidos son de hace meses. La realidad es que la gente está escribiendo constantemente. Technorati te busca textos escritos hace cinco minutos de la actualidad más candente.

P. ¿Y el concepto personas?

R. Buscan páginas, pero no nos pueden decir quién fue la primera persona que habló sobre algo, quién introdujo un término, una idea, una moda. Cualquier usuario de Technorati puede conocer las reacciones del público a la salida de El código Da Vinci.

P. ¿Technorati es un ejemplo de la socialización de Internet, la llamada Web 2.0?

R. Technorati contribuye a democratizar el medio. Democratiza el sistema. Eso es la Web 2.0, donde cada voz tiene su oportunidad de ser oída. Se publica todo, pero en ese marasmo con Technorati conocemos el feedback a tu artículo, qué opina de ti la gente, qué se opina de tu compañía y de la competencia. Conseguir el mejor feedback es valiosísimo.

P. Los blogs arrastran el tópico de que la mayoría no se actualiza.

R. Hay 19,4 millones de bloggers que se siguen actualizando tres meses después de su creación. Es el 55%, cinco puntos más que hace seis meses. Casi cuatro millones activan sus diarios al menos semanalmente. Cada segundo se introducen 2,5 informaciones, el doble que hace un año. El blogger es cada día más activo.

P. La otra maledicencia. En la blogosfera escribas una gamberrada o una tesis doctoral, todo vale igual.

R. Yo creo que el blogger se piensa dos veces lo que va a escribir, porque alguien le va a contestar. Tu reputación se va a decidir realmente por la gente que te ha leído, no por editores que seleccionan el material. El editor del siglo XXI soy yo. Es Technorati. Hasta ahora el lector era alguien pasivo y anónimo, ahora, con un blog, tiene el poder de que su opinión se va a escuchar. Qué decir, por ejemplo, de los debates políticos en televisión. La gente en la calle no les hace ni caso, pero su voz no se reflejaba en ningún sitio. Ahora se cuelgan las opiniones de la gente y vídeos comprometidos de los políticos. Todo esto está cambiando el mundo y está reforzando la democracia, porque antes se decía cada persona, un voto; ahora es cada persona, una voz que se oye. El individuo tiene más fuerza porque va a ser oído en cualquier momento, no cada cuatro años. La blogosfera mejora la democracia; que haya más voces en la conversación es muy bueno.

P. Pero no hay una jerarquía. Hasta ahora los medios tradicionales seleccionaban las noticias para su público.

R. Aquí la clasificación la hace la gente, lo siento por ustedes. La gente determina con sus visitas cuáles son los más autorizados o los de mayor influencia. Me ha sorprendido, por ejemplo, el interés que hay por los blogs de tricotar, o el idioma en que se escribe. Según Google, el primer idioma de Internet es el inglés; según Technorati es el japonés, con el 37% de los blogs, frente al 31% del inglés y el 17% del chino. Creo que los dos acertamos. La vida profesional, la de las webs, que es lo que busca Google, está en inglés, pero la vida personal, que es la de los blogs, se escribe en la lengua materna.

P. ¿Y ustedes dónde hacen el negocio?

R. Si servimos a la gente, el dinero llega. No sé cómo, pero llega. Cuando abrí Technorati no pensé en el beneficio. Estoy totalmente en contra de que el dinero sea el único propósito de crear una empresa. Cierto que para una empresa el dinero es como el oxígeno, si no lo tienes, mueres; pero yo creo en algo más. Creo que el corazón de un negocio es servir al prójimo.

P. Pero hay que pagar a los empleados...

R. No he contratado a ninguno que pensara en el dinero, para eso que se hagan brokers. Estoy interesado en gente que aporte valores. He contratado personalmente a mis 31 empleados. Y todos cobran desde el primer día. Más grande no significa mejor.

P. ¿El futuro de Internet está en la web social?

R. El futuro es la combinación de banda ancha y movilidad que hará que se conecte más gente a Internet, más tiempo y de más formas. Por otro lado, al ser las herramientas informáticas cada día más simples y más completas, yo podré ser el editor de mis libros, el director de mis películas.... Dentro de 10 años, cada uno producirá las cosas que quiera consumir. Se hablará de la economía participativa.

31 de maig 2006

Discurs de Gilberto Gil a l'IGC

Cultura Livre: o caso brasileiro

Numa era hoje remota, em que chamávamos os computadores de cérebros eletrônicos, eu cantava em uma composição minha que eles faziam quase tudo. Temíamos talvez um fantasioso domínio das máquinas e da racionalidade sobre nossos sonhos e fantasias. Eu ressaltava que eles eram mudos, não andavam, não tinham sentimentos, mas ainda temíamos ter de conviver com um mundo geométrico de formas e emoções na fria e distante noite dos números.

Hoje, aqui, neste congresso internacional da internet, percebemos com felicidade que avançamos contra os descaminhos do sentido histórico, como dizia Nietzche, contra o desmedido gosto pelo processo - em detrimento do ser e da vida - contra o insensato deslocamento de todas as perspectivas. Contrariamente a todos os nossos medos de sermos engolidos pelas máquinas, vislumbramos nos avanços das tecnologias digitais, especialmente na Internet, possibilidades de um mundo mais rico nas relaçöes humanas, mais rico na preservaçäo das diversidades culturais, mais rico na democratizaçäo do conhecimento e mais transparentemente ético.

A cidadania conquistou vitórias sobre a centralização tecnológica.

Os libertários do cyberespaço passaram a operar como linha evolutiva no processo da construção de novas soluções. A compreensão das convergências tecnológicas digitais como fonte de maior provável liberdade e unificação da humanidade encontra aliado nas profecias alvissareiras da nova demografia: Por um lado, mais gente, mais massa crítica afetivo/intelectual, mais anseio virtual, mais compromisso coletivo e mútuo, mais vigilância consensual.

Por outro, mais velocidade digital, maior possibilidade de acessos, maior comunicabilidade, maior mobilidade, maior abrangência cultural, co-responsabilidade abrangente.

Chegamos aqui porque militantes da contracultura passaram a ver no computador um instrumento revolucionário de transformação social e cultural. Ou seja, o que vemos hoje no mundo, na dimensão informática, digital, tem seu ponto de partida no movimento libertário da contracultura. Nada mais natural, portanto, dessa perspectiva político-cultural, do que a movimentação em favor do software livre, da inclusão digital, de uma política pública de banda larga, dos instrumentos de realização das redes virtuais e remotas, da aceleração e multiplicação de trocas e das formas mais intensas, mais radicais, mais inovadoras de exercício de liberdade de pensamento, de expressão e de criação.

A revolução digital nos colocou frente a alguns paradoxos. Um desses paradoxos é a convivência cotidiana entre o mais arcaico discurso político, a mais bizantina forma e limitado acesso aos conteúdos, a mais antiga e superada agenda, e as formas contemporâneas de acesso interativo e instantâneo a praticamente todo o conhecimento humano. Vivemos um momento de virada de paradigma, o ponto de mutaçäo. Vivemos entre o analógico e o digital, entre (a foice e o martelo) e os fluxos virtuais. Há espaço e provavelmente sentido em tudo isso, talvez porque o impulso básico da mudança, da transformação e do progresso esteja, ou tenha estado, um dia, na gênese de todos os movimentos de contestação da ordem e de construção de novas ordens. O impulso fundamental de superação, de aventura e de peregrinação que se fez e se faz presente em cada passo adiante da humanidade.

Todos aqui sabem que sou um defensor, e mais do que um defensor, um praticante, um usuário, um entusiasta, do software livre, dos instrumentos de realização de redes virtuais e remotas, dos programas de inclusão digital, da aceleração e da multiplicação de trocas e das formas mais intensas, mais radicais, mais inovadoras de exercício da liberdade de pensamento, de expressão e de criação.

Todos sabemos que a erradicação da pobreza e a inclusão social estão entre as mais altas prioriadades do governo do presidente Luiz Inácio Lula da Silva. Acreditamos que as novas tecnologias de informação e comunicações são, no Brasil, instrumentos indispensáveis na busca do desenvolvimento cultural, social e econômico.

Cultura e desenvolvimento são conceitos e processos necessariamente interligados. O grande economista Celso Furtado, ex-ministro da Cultura do Brasil, dizia que desenvolvimento requer invenção e se constitui em ação cultural. Todas as inovações são elementos culturais. Todo conhecimento, que é a chave da economia contemporânea, é cultural.

Hoje encontra-se definitivamente fincada na agenda internacional o debate sobre o papel das tecnologias. Consagra-se a noção de que a evolução tecnológica não se justifica por si só: deve dar-se em benefício do bem-estar dos povos e do desenvolvimento dos países.

Em estreita colaboração com organizações da sociedade civil e parceiros do setor privado, o governo brasileiro, ao longo dos últimos três anos e meio, desenvolve importantes iniciativas na área de inclusão digital. Destacam-se o Casa Brasil (programas de telecentros comunitários dirigidos a populações marginalizadas) e o Gesac – Governo Eletrônico/Serviço de Atendimento ao Cidadão (projeto baseado em acesso em banda larga via satélite, voltado para populações em zonas remotas). O programa do PC Para Todos que ja vem com software livre de fabrica, a preços populares e que incrementou a venda de computadores no Brasil em 40%. O Brasil foi escolhido para ser um dos paises implementadores do programa Computador de 100 dolares de Nicolas Negroponte. Além disso, o jovem hacker brasileiro Marcelo Tossatti foi contratado como o mantenedor do kernel (e portanto do coração) deste programa inovador.

País em desenvolvimento de dimensões continentais, com importante contingente de excluídos digitais, o Brasil necessita buscar produtos inovadores e valorizar soluções tecnológicas baseadas em modelos alternativos de licenciamento e em plataformas abertas. O Brasil possui hoje cerca de 30 milhões de pessoas com acesso ao computador; o que significa, em uma população de 170 milhões, um longo caminho a percorrer. O “software” livre e aberto é econômico, seguro e permite o desenvolvimento colaborativo, o compartilhamento do conhecimento e a autonomia tecnológica. É alternativa essencial para países em desenvolvimento que, como o Brasil, lutam com escassez de recursos para a políticas públicas prioritárias de inclusão e autonomia digital.

As vantagens do “software” livre são numerosas, variando da redução de custos à geração de empregos. A Cúpula Mundial sobre a Sociedade da Informação, ao incluir, quer nos documentos de Genebra, quer nos de Túnis, o “software” livre e aberto, reconhece a importância de um instrumento de eficácia indiscutível na redução do hiato digital entre países desenvolvidos e em desenvolvimento. O Brasil acumula experiência importante no desenvolvimento de “softwares” livres e de código aberto, que tem partilhado com outros países da África e da América Latina, com os quais desenvolve programas de cooperação para a inclusão digital, sobretudo no campo da educação e cultura. A Cúpula de Sociedade da Informação trouxe à discussão o acesso dos países em desenvolvimento aos mecanismos de decisão capazes de influenciar o avanço tecnológico e o desenvolvimento da Internet. Por motivos históricos, a infra-estrutura e os sistemas centrais de funcionamento da Internet não são geridos em consonância com os princípios de multilateralismo, transparência e democracia. A Internet tem hoje capilaridade mundial; sua gestão, entretanto, ainda está longe de ser transparente e inclusiva. A Cúpula de Sociedade da Informação contribuiu para reavaliar tal situação, ao incorporar, de maneira irreversível, na agenda internacional, o tema da governança da Internet. O Brasil tem satisfação de haver atuado ativamente para esse resultado, trabalhndo por uma regulaçäo que garanta a maior liberdade possivel para a internet e os internautas.

Travamos, neste começo de século, a mais importante, e também a mais interessante, e a mais atual das batalhas políticas. A batalha provocada pelo fantástico desenvolvimento das tecnologias digitais. Claro que há uma revolução francesa, ou várias revoluções francesas, a fazer no planeta, seja dentro dos países, seja no comércio internacional. Ainda nos defrontamos não apenas com discursos do Século 19, mas também com realidades do Século 19. Mas não podemos secundarizar o presente. E o futuro. Por conta da convergência das tecnologias, um fenômeno digital, Todas as questões vitais para o desenvolvimento da humanidade convergiram para campos comuns, sobrepostos. Todos os fóruns internacionais tratam de praticamente todas as questões. Não existem mais as fronteiras claras do mundo analógico. Direitos de Autor, patentes, desemprego, acesso ao conhecimento, diversidade cultural, privacidade,segurança, saúde, fome... enfim todas as questões estão sendo discutidas em todos os fóruns. Trata-se, como disse, da mais importante, e também da mais interessante, e a mais atual das batalhas políticas, da economia e da vida social.

Este cenário pode significar uma mudança nas formas de produção e difusão da subjetividade humana capaz de transformar inclusive os conceitos de civilização e desenvolvimento que usamos atualmente. Pode haver impacto mais profundo, e mais libertário, do que este? Estou falando da construção de territórios amplos e perenes, e não apenas temporários, de igualdade e pluralidade.

O mais fascinante é que este movimento, esta marcha das multidões contemporâneas globais, um movimento que assume formas variadas, com bandeiras variadas, surgiu da própria sociedade, de indivíduos que se associam em progressão quântica, através de redes próprias, e não das empresas, dos partidos, dos sindicatos, enfim, dos meios tradicionais de representação e de articulação. Isso implica uma mudança estrutural, não somente no conteúdo, mas na forma e no processo, que se reflete no que se diz, no que se propõe, e também em como se diz, como se conecta. O trabalho está mudando radicalmente, e também o modo como se pensa, como se cria, como se ama, como se troca e como se governa. E tudo isso tem ocorrido de maneira descentralizada e abrangente. Trata-se da resultante do trabalho individual e coletivo de gente com interesses, visões e bagagens culturais diferentes, que decidiu trabalhar, algumas vezes de graça, recriando o sentido da palavra trabalho, para que mais e mais pessoas, no mundo inteiro, tornem-se pilotos de seus próprios destinos e realizem seu potencial humano, seja no convívio, seja na produção, seja na criação. Trata-se de compartilhamento, em última instância uma revolução ética. Já temos no Brasil, uma vasta experiência acumulada no campo do software livre, da inclusão digital e da constituição de territórios autônomos e articulados de reflexão, produção e difusão cultural. Há milhares de projetos, protótipos, redes e até mesmo uma produção acadêmica significativa. Agora, esta ampla mobilização de inteligências e sensibilidades desemboca no próprio governo.

Eis outro aspecto fascinante do que estamos vivenciando. O governo federal brasileiro, e também alguns governos locais, como os governos de duas cidades do estado do Rio de Janeiro, os governos de Nova Iguaçu e de Piraí,que abraçaram a causa, transformando a cultura digital, as práticas digitais, as conexões digitais livres, em uma de suas políticas estratégicas. No MinC estamos desenvolvendo um laboratório de conhecimentos livres, coordenado por Cláudio Prado e articuladores de vários grupos da sociedade civil, responsável pela dimensão de cultura digital nos pontos de cultura, um projeto que leva tecnologia do século 21 para comunidades que ainda estão vivendo realidades do século 19. Capacitamos estas comunidades no uso de multimídia em software livre para que possam interagir de forma plena em todas as formas que a Internet possibilita. Texto – hipder-texto, imagem gráfica, som-música, vídeo e programação de software. Buscamos ajudá-los a serem autônomos em tecnologia digital. Para que não dependam de governos e de ninguém. Estamos aprendendo, nós o governo, a trabalhar com a sociedade civil. Indivíduos e coletividades de regiões remotas e isoladas estão descobrindo o ciberespaço como um novo território que muda a noção geográfica do “centro do mundo” oferecendo real oportunidade de uma vida “glocal”: uma convivência saudável entre a globalizaçäo do conhecimento e dos acessos à informação e o fortalecimento e fixação da extraordinariamente rica vida cultural local. Nesta dimensäo estamos vendo, nos pontos de cultura, a cultura digital como ferramenta capaz de reverter a morte da diversidade cultural. O índio na amazonia que produz cestas pode se comunicar e ser visto trabalhando por pessoas de qualquer lugar do mundo e pode mesmo vender suas cestas de palha diretamente a quem está interessado na qualidade de seu trabalho. Esta transação comercial elimina uma dúzia de intermediários e isso pode significar para o indio ganhar 100 vezes o que ganha hoje e o comprador pagar dezenas de vezes menos. Isso valoriza seu trabalho não só na dimensão simbólica mas na dimensão financeira. Uma revolução extraordinária. As próprias iniciativas da sociedade, do terceiro setor, encontram-se hoje em novo patamar, mais amadurecidas, mais consistentes. É com alegria, portanto, que devemos saudar as experiências de inclusão digital, de adoção do software livre e de mudança do conceito (e da gestão) da criação intelectual, assim como os debates sobre o impacto da revolução digital em todos os campos.

Penso, por exemplo, na questão dos direitos conexos, com as novas formas de licenciamento e gestão de conteúdos, a exemplo do movimento Creative Commons, que abre perspectivas inteiramente novas para criadores e fruidores de arte e entretenimento, formas oxigenadas, não-corporativas, progressistas mesmo, em temas historicamente aprisionados pela ortodoxia analógica reacionária.

O Brasil pode e deve aproveitar este contexto favorável, em que mais e mais pessoas despertam para os desafios que as novas mídias e as velhas injustiças nos colocam, em que o próprio governo incorpora o software livre e o que ele representa como prioridade, para empreender passos concretos no sentido da ampliação dos territórios de inclusão digital, de igualdade digital, de justiça digital.

Não se trata, como eu disse, de um movimento “anti”, mas de um movimento “pro”, ou seja, a favor da valorização e da disseminação de uma nova cidadania global, da capacidade de autodeterminação das pessoas, de novas formas de interação e articulação, da liberdade real de produção e difusão da subjetividade, da busca do saber, da informação, do exercício da sensibilidade e da coletividade.

Penso em um amplo movimento nacional e internacional para a disseminação da cultura livre através do software livre, pelo barateamento do hardware, pela construção de redes e territórios autônomos de conexão entre pessoas e grupos, pela implantação de espaços públicos de acesso wi-fi à Internet, pela globalização do conhecimento e da arte, pela defesa da diversidade cultural e pela liberdade das trocas múltiplas. Enfim, trabalhamos por uma política pública de banda larga e autonomia digital do cidadão e das comunidades.

Um movimento, enfim, pela disseminação da ética hacker, que não se confunde com as ações dos crackers. Vocês sabem que há no planeta uma comunidade, uma cultura compartilhada, de programadores, pesquisadores, criadores e pensadores, cuja história remonta aos primeiros experimentos de minicomputadores, e que permitiu a criação da Internet e de várias experiências de mudança.

Esta comunidade, esta cultura, não se restringe mais ao software. A postura hacker, uma postura humanista, que busca a construção da nova cidadania da sociedade da informação, esta postura está presente hoje na música, na mídia, nas ciências humanas, nos projetos sociais e nos governos, constituindo uma forma atual e transformadora de ver o mundo, de encarar os desafios do presente.

Hackers criam, inovam, pesquisam, alargam e aprofundam o saber. Resolvem problemas e têm uma crença radical no compartilhamento de informações e experiências. Exercitam a liberdade e a ajuda mútua e voluntária. Nossa convocação global deve levar este espírito a todas as dimensões possíveis da vida humana, em especial às ações de inclusão digital e geração de renda, emprego e cidadania.

Eu, Gilberto Gil, cidadão brasileiro e cidadão do mundo, ministro da cultura do governo brasileiro, músico, trabalho no ministério e na música, em todos os fazeres e pensares que formam a minha existência, sob a inspiração da ética hacker, preocupado com as questões que o nosso mundo e o nosso tempo nos colocam, e seus paradoxos, suas contradições, suas virtudes e suas possibilidades.

Em uma de minhas primeiras intervenções públicas como ministro, disse que o Ministério da Cultura passaria a ser o espaço da experimentação, o território da criatividade e da invenção, o palco das linguagens inovadoras e das ações transformadoras, um signo vivo de aventura e ousadia. Assim tem sido. Assim será.

Temos de ter em mente a noção de que vivemos em um estado de fluxo, e que qualquer tentativa de se interromper o processo que se iniciou com a revolução tecnólogica será em vão.

A ciberestrada pela qual viajamos hoje se torna cada vez mais o caminho da transformação, da inclusão, de possibilidades enriquecedoras do pensar e do fazer humanos.

Aqui estamos buscando parcerias, compartilhamento, querendo aprender com o que vocês e oferecendo nossa experiência do desenvolvimento local através do uso das tecnologias digitais nos pontos de cultura como um laboratório de experimentações de novas formas de autonomia local

Minha presença aqui na Catalunya, celebra a fantástica batalha pela cultura local que aqui se desenrola há séculos. Símbolo da valorizaçäo da diversidade como valor cultural da maior importância. Celebra também o movimento das comunidades autônomas da Espanha em desenvolver políticas públicas em que o conhecimento de todos os saberes sejam um direito da sociedade. Celebra a luta pela cultura livre que aqui e no Brasil priorizamos de forma consciente.

Veja mais sobre Gil em Barcelona:

http://www.softwarelivre.org/news/6615

http://www.lafarga.cat/node/1207 (en català)