31 d’octubre 2006

Des "Bienveillantes" sonnantes et trébuchantes

Ce pourrait être une belle étude de cas pour étudiants d'écoles de commerce. On savait Les Bienveillantes, de Jonathan Littell (Gallimard, prix de l'Académie française), un livre atypique : 900 pages écrites en français par un Américain et prises d'assaut en librairie. Les critiques ont assez souligné la puissance d'attraction peu banale de ce récit qui projette le lecteur dans la tête d'un bourreau nazi. Mais l'ouvrage se singularise aussi par la rupture qu'il instaure d'un point de vue strictement économique.

Avec Les Bienveillantes, on est en effet dans une situation où l'auteur paraît gagner sensiblement plus d'argent que son éditeur, ce qui n'est pas si fréquent lorsqu'un livre marche très bien. Si les ventes définitives ne sont pas connues, on peut raisonner sur une hypothèse de 150 000 exemplaires vendus en première édition net de retours. Avec un prix de vente de 25 € TTC et une fois déduits la TVA, la remise libraire, les droits d'auteur, les coûts directs de fabrication, de logistique, de publi-promotion... ainsi que le coût d'un minimum incompressible de retours, il est probable que la marge brute de l'éditeur se situe, avant allocation de frais indirects, sous le million d'euros. Ce n'est sans doute pas si mal, d'autant qu'il restera encore à l'éditeur la perspective d'une exploitation profitable en poche.

Mais qu'en est-il à présent pour l'auteur ? En supposant un taux de droits d'auteur classique de 14 % en moyenne, il percevra 500 000 euros pour la première édition française (davantage si son à-valoir excède ce montant), à quoi il faut ajouter, surtout, les recettes de cession de droits de traduction à des éditeurs étrangers : environ, dans ce cas précis, 1 million de dollars pour les seuls Etats-Unis et autant pour le reste du monde. De ces montants sera déduite la commission de l'agent (15 à 20 %). Resteront à l'auteur quelque 1 600 000 dollars (1 250 000 euros) s'ajoutant aux droits pour la France. Soit un total de 1 750 000 euros.

Le gain pour l'auteur paraît, en l'espèce, nettement plus important que celui de l'éditeur. Presque du simple au double ! Et ce pour une raison simple : contrairement à l'usage courant en France, Littell, via son agent Andrew Nurnberg, n'a conféré à Gallimard que les droits de l'édition française, se réservant les droits d'édition dans les autres langues. Fort du succès français, l'agent a pu faire monter les enchères à la Foire de Francfort. Or, sur chaque cession, il touche une commission de 15 % à 20 %, tandis que l'éditeur partage d'ordinaire les droits étrangers à peu près à égalité avec l'auteur.

Témoins de cette situation très médiatisée, les auteurs de best-sellers français ne risquent-ils pas d'être tentés de suivre l'exemple de Jonathan Littell ? De ne céder à leur éditeur français que les droits pour la France afin de toucher une plus large part des cessions étrangères ? Les éditeurs rétorqueront, non sans raison, qu'ils ont toute l'expertise nécessaire pour vendre au mieux - dans l'intérêt de l'auteur - son livre à l'éditeur étranger le plus adapté. On peut les croire. Pourtant, le "cas Littell" ne manquera pas de donner à réfléchir. Ce n'est certes pas la première fois qu'un auteur français a recours à un agent, mais c'est peut-être la première fois qu'on voit de manière aussi marquée cette rupture dans l'économie habituelle de l'édition française.

Si cet exemple faisait des émules, il suffirait que quelques ouvrages par an s'orientent, pour l'étranger, vers des agents - ceux dont la vente de droits est à la fois la plus facile et la plus susceptible d'engendrer de forts profits - pour déséquilibrer l'économie d'un service de droits étranger. Il ne s'agit pas ici de juger de l'efficacité relative des agents et des éditeurs mais simplement - parce que les premiers coûtent a priori moins cher à l'auteur que les seconds -, de mettre en relief, à travers cet exemple, une situation qui, de proche en proche, pourrait fragiliser les départements étranger des maisons d'édition, privées des quelques gros titres qui, chaque année, représentent une part substantielle de leur chiffre d'affaires. Une situation potentiellement dangereuse pour l'édition tout entière. N'est-ce pas, pourtant, le succès de l'édition dans la langue originale, pour laquelle l'éditeur prend tous les risques, qui rend possible celui des ventes étrangères ?

Florence Noiville

Le Monde, 28.10.2006

08 d’octubre 2006

El americano apabullante

Jonathan Littell triunfa en Francia con 'Les bienveillantes', una novela sobre la II Guerra Mundial vista a través de un SS

OCTAVI MARTÍ - París
EL PAÍS - Cultura - 29-09-2006

La revelación literaria francesa más destacada de 2006 es americana. Se trata de Jonathan Littell, un neoyorquino nacido en 1967, hijo del periodista y escritor Robert Littell, que acaba de publicar su primera novela, Les bienveillantes, en Gallimard, un volumen de 900 páginas del que ya se han vendido 125.000 ejemplares. Littell, que ahora vive en Barcelona, escribe en francés y dice detestar su país de origen por su falta de complejidad. Y no es complejidad lo que le falta al héroe o, mejor dicho, al protagonista y narrador de Les bienveillantes, Maximilien Aue, un oficial de las SS mitad francés, mitad alemán -es alsaciano-, que va a participar en la primera gran matanza de judíos, en Ucrania, que asiste a la batalla de Stalingrado y que acaba teniendo grandes responsabilidades en la organización de la llamada solución final. De Aue podemos sospechar además que él también es judío -su circuncisión queda inexplicada-, que no sólo se ha acostado con su hermana Una sino que ha tenido gemelos de ella y que ha sido él quien ha asesinado a su madre y al segundo esposo de ésta. Para acabar el retrato hay que añadir que Aue es homosexual y muy cultivado, con un buen conocimiento de filosofía griega.

Si Aue nos cuenta todo lo que hizo durante la Segunda Guerra Mundial, todos sus crímenes y todos los problemas que tuvo que afrontar para resolver las dificultades de orden logístico, técnico y psicológico que planteaba la industrialización del asesinato, no lo hace para disculparse o porque necesite liberarse del fardo de sus pecados. No, Aue es un verdugo que habla para defender una vez más lo que hizo. Y en eso es un verdugo extraordinario pues, como recuerda Littell en una entrevista, "los verdugos nunca hablan, y si lo hacen emplean el lenguaje del Estado", es decir, se sirven de un lenguaje tecnocrático para referirse al horror y convertirlo en mero trabajo.

El libro es, desde un punto de vista histórico, de una precisión ejemplar, incluso exagerada. Littell no confunde nunca los grados militares ni se pierde por los laberintos burocráticos del nazismo, repletos de siglas -RSHA, OKH, OKHG, OKW, IKL, HSSPF, GFP, WVHA, etcétera- que esconden detrás de cada letra miles de muertos. Su libro es una organizada inmersión en el infierno de la mano de uno de sus más distinguidos servidores. En el trayecto quedan litros y litros de alcohol bebidos para inmunizarse contra el frío y, sobre todo, la responsabilidad, centenares de retortijones intestinales de un cuerpo que se rebela cuando le prohíben sentir empatía por las víctimas, decenas de actos sexuales consumados como una estricta necesidad fisiológica. Aue sólo era capaz de amar a su hermana y se lo han vetado.

Guerra y paz, Los hermanos Karamazov, Vida y destino, La educación sentimental, es decir, Tolstói, Dostoievski, Grossman o Flaubert han sido evocados por una crítica sorprendida y que busca precedentes a la ambición de Les bienveillantes, título cuya dimensión mitológica no se explica hasta la última página. Littell dice "haber trabajado durante cinco años para preparar su libro" y que su deseo de ser preciso le ha llevado "a Ucrania, el Cáucaso y Stalingrado, a Polonia para visitar Cracovia y los lugares de los seis campos de exterminio". En Kiev cuenta haberse encontrado "con un superviviente de la masacre de Babi Yar cuando tenía 13 años, un adolescente judío que ese 28 de septiembre de 1941 consiguió escapar al asesinato de 100.000 correligionarios refugiándose en un cementerio cristiano".

La voluntad de saber qué inspira a Littell -"quería comprender los razonamientos que sirvieron para autojustificarse a esa gente que perpetraba el asesinato político de masas"- embarca a Aue en apasionantes debates: con un lingüista que define el racismo como "filosofía para veterinarios" y demuestra cómo el presunto cientifismo de las teorías raciales es una inocua transposición ideológica de la ciencia lingüística; con un comisario político comunista que le define el nazismo como "una perversión del marxismo", pues el lugar ocupado por la lucha de clases le corresponde a la lucha de razas. Son dos ideologías deterministas pero de distinta naturaleza; con un financiero e industrial nazi que justifica el asesinato de judíos porque "no hay nada más völkisch que el sionismo" que asocia el pueblo, la sangre y la tierra. "Los judíos son los primeros nacionalsocialistas", dice el millonario, y por eso cree que los alemanes han de acabar con ellos; la aristocracia antisemita no soporta la vulgaridad populista del nazismo y quisiera un mundo dirigido por una élite cultural, en la que no contaría ni la raza ni la religión; Una, la hermana, al final, concluye que "matando a los judíos nos autoasesinamos", pues "lo que nunca hemos comprendido es que esas cualidades que atribuimos a los judíos y consideramos como defectos, es decir, la avaricia, avidez, sed de dominio, cobardía y maldad simple, son cualidades profundamente alemanas, y que si los judíos las han hecho suyas es porque también se han hecho alemanes".

Littell, antes de embarcarse en un destino literario, ha dirigido la ONG Action Contre la Faim en Bosnia y Afganistán. El hecho de haberse encontrado en Sarajevo en plena guerra o en Grozny cuando empezó la revuelta chechena le ha llevado a "encontrarse en medio de montones de cadáveres. Te sientes ajeno a todo".