28 de gener 2007

L'agent, l'éditeur et la dictature des «big books»

«Au cours des derniers mois, la presse française s'est particulièrement intéressée au rôle des agents littéraires. Tout d'abord lorsqu'il s'est trouvé qu'un agent avait été partie prenante dans la négociation de l'à-valoir considérable versé par Hachette à Michel Houellebecq (celui-ci est censé avoir touché environ 1 million d'euros pour La Possibilité d'une île publié chez Fayard en 2005, NDLR). Ensuite, dans la discussion avec Gallimard à propos du livre de Jonathan Littell. Aussi l'entretien accordé par Andrew Wylie au Monde des livres (6 octobre 2006) aurait-il pu être utile. Il offre certainement une description flatteuse de l'image que ce dernier voudrait donner de lui-même. Hélas, je ne pense pas que qui que ce soit dans l'édition new-yorkaise puisse croire un seul instant à cette autoglorification.

»Dans les dernières décennies, il y a eu d'excellents agents littéraires à New York. Des agents qui ont simultanément aidé les auteurs et les éditeurs à préserver les liens qui les unissent. Les éditeurs acceptaient de publier chaque nouvel ouvrage d'un auteur quelles que soient ses ventes potentielles. De leur côté, les auteurs et leurs agents acceptaient des à-valoir justifiés par ces ventes.

»Le contrôle croissant des conglomérats sur l'édition a conduit nombre d'agents à changer leur manière de travailler. Notamment en mettant en avant cet argument : si les très gros éditeurs étaient d'abord intéressés par le profit, pourquoi les auteurs ne le seraient-ils pas ? Fi des vieilles formes de loyauté : les droits de chaque ouvrage devaient être offerts à qui en proposerait le meilleur prix. Résultat : un petit nombre d'auteurs se sont vu offrir des à-valoir de plus en plus élevés - des sommes qui souvent n'étaient pas couvertes par les ventes. Andrew Wylie a contribué à ce processus en amenant des auteurs littéraires comme Philip Roth - l'homme a en effet très bon goût, cela personne ne le nie - à quitter leur éditeur de toujours pour rejoindre le plus offrant.

»La conséquence de cette façon d'agir a été extrêmement préjudiciable à la fois aux éditeurs et aux auteurs. La polarisation qui existait déjà entre les best-sellers et les autres titres s'est considérablement accrue. Toutes les grosses maisons se sont mises à dépendre des quelques livres qu'elles étaient susceptibles, sinon forcées, de surpayer. Ce qui signifie que leurs budgets se sont considérablement réduits ou du moins qu'il leur reste très peu d'argent pour tous les bons livres qui ne deviendront pas forcément des best-sellers. Les librairies croulent sous les livres achetés à grands frais au détriment des autres - même si, comme le souligne Wylie lui-même, une énorme avance ne garantit pas forcément un succès commercial. Les éditeurs les plus cyniques n'hésitent pas à laisser tomber un titre cher qui ne remplit pas ses promesses. Même les auteurs dont le succès n'est pas tout à fait à la hauteur de l'avance accordée deviennent soudain moins attrayants aux yeux des éditeurs, ce qui n'aurait pas été le cas si leurs exigences de départ avaient été moindres. Quant aux agents, eux aussi ont fini par se focaliser sur les "big books", montrant beaucoup moins d'intérêt pour les livres plus modestes et de qualité. Il est beaucoup plus facile de décider que le prochain Philip Roth vaudra très cher que d'essayer de découvrir ses successeurs potentiels. Et nombre d'éditeurs new-yorkais ont vu Andrew Wylie "débaucher" des auteurs en leur faisant miroiter de plus gros à-valoir mais qui n'ont pas eu d'impact sur le volume de leurs ventes.

»L'exemple de Michel Houellebecq montre que cette manière de travailler gagne la France, même si, heureusement, il y a encore peu d'agents en France et moins encore d'agents souhaitant suivre la voie de Wylie. En l'occurrence, Hachette, le plus gros enchérisseur, a consenti une avance exceptionnellement élevée selon les standards français. L'acquisition des droits a été annoncée par Arnaud Lagardère lui-même et non par l'éditeur de Houellebecq. Comme on pouvait s'y attendre, les attentes, qui étaient fortes, furent déçues. L'auteur, qui est passé d'un éditeur à un autre, a certainement ressenti cette déception. Et désormais, si le modèle américain continue à s'appliquer, chacun de ses nouveaux livres devra être remis en jeu auprès de la collectivité des éditeurs, le problème étant que le nombre d'enchérisseurs potentiels est bien moindre à Paris qu'à New York.

»Cela ne veut pas dire que les agents ne puissent pas utilement défendre les droits de leurs clients. Un agent "classique" comme Georges Borchardt - qui a représenté à New York un grand nombre de très bons auteurs français - se prévaut moins des avances obtenues que des ventes réalisées. Un exemple : à l'origine, une seule maison était preneuse de La Nuit d'Elie Wiesel, qui s'est vendu quelques centaines de dollars seulement. Aujourd'hui - et grâce notamment à son passage dans l'émission télévisée d'Oprah Winfrey - le livre a dépassé le million d'exemplaires vendus.

»La controverse autour du contrat de Jonathan Littell montre également que les agents ont souvent tendance à se réserver les droits étrangers d'un auteur - et cela bien que, en Amérique comme en Angleterre, un éditeur ne touche que 20 % à 25 % sur une cession de droits à l'étranger, contre 50 % environ en France. L'avenir dira si les éditeurs français pourront continuer indéfiniment à prélever une part aussi disproportionnée sur les revenus des droits étrangers de leurs auteurs.

»Globalement, en France comme aux Etats-Unis, les éditeurs affrontent les mêmes problèmes - des problèmes aggravés dans les deux pays par l'accent mis sur les best-sellers, avec comme conséquence les contraintes pesant sur les livres moins médiatisés et souvent plus intéressants. Comme j'ai tenté de le montrer dans Le Contrôle de la parole, les mutations du monde de l'édition sont encore amplifiées au niveau de la vente : les grandes surfaces, souvent encouragées par les éditeurs eux-mêmes, y réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires avec un petit nombre de best-sellers. En Amérique, où la loi Lang n'existe pas, la part de marché des librairies indépendantes n'est plus aujourd'hui que de 18 % à 19 %.

»Ces déséquilibres seraient encore accentués si tous les Wylie du monde étaient amenés à jouer en France un rôle important. Réjouissons-nous cependant : pour l'instant du moins, cette difficulté supplémentaire ne semble pas clairement à l'ordre du jour.»
André Schiffrin

André Schiffrin est l'auteur de L'Edition sans éditeurs (La Fabrique, 1999) et Le Contrôle de la parole (La Fabrique, 2005). Son prochain ouvrage, Paris/New York, Aller/Retour paraîtra au printemps aux éditions Liana Levi.

Le Monde des Livres, 18.01.07

22 de gener 2007

Pim...

Una lliçó ben apresa

«NO sembla cap mal plantejament ni un punt de partida insensat que Hèctor Bofill (Badalona, 1973) busqui la pràctica d’una literatura que eviti la senzillesa, que no estigui endolcida sentimentalment, que se centri en la creació d’un debat intel·lectual i que il·lumini la reflexió i el pensament. A l’altra banda de l’encanteri argumental basat en una concentració irònica de gràcies i acudits, a L’últim Evangeli —una novel·la que participava tant de les regles de la ciència-ficció com de la imaginació utòpica— va voler fixar, sense gaire encert, una poètica on el nucli bàsic es localitzava al voltant de l’aventura col·lectiva, el compromís cívic i els avatars, entre el coratge i la covardia, de la forja dels orígens d’una comunitat. A Neopàtria desapareix l’escenari futurista del segle XXVI, s’elimina la temptació de sobtar el lector amb el relat d’uns episodis narrativament foscos justificats pels alts secrets d’estat i els enigmes de l’espionatge i, amb les claus de la política-ficció, i sense renunciar als conceptes bàsics que alimentaven el títol anterior, Bofill s’embarca en una novel·la on l’eix principal es troba en la declaració de la sobirania del País Basc després d’haver-se produït un macroatemptat durant la celebració d’una conferència internacional a Barcelona. Aleshores intervé l’exèrcit espanyol, hi ha l’ofensiva basca, els passatges on Bofill es recrea en la descripció dels moments bèl·lics, la voluntat de pactisme entre els polítics a la recerca d’un govern de coalició, la crítica cap al conformisme dels polítics catalans a l’hora d’enfrontar-se als designis de Madrid i, sobretot, les peripècies que viuen els personatges protagonistes vinculats en una operació de tràfic d’armes a favor dels rebels, i que és el nucli que pretén vertebrar la novel·la.

Però de la mateixa manera que, a L’últim Evangeli, la trama cívica es complementava amb l’anecdotari sentimental d’una història d’amor a la deriva, i que no feia res més que enfosquir la història, a Neopàtria no són poques les pàgines destinades a explicar els infortunis personals i sexuals d’un dels personatges implicats en el tràfic d’armes, i que no fan res més que engruixir el text i aportar uns moments d’una enorme comicitat involuntària. No s’acaba de veure clara la necessitat de fer conviure en una mateixa novel·la els dos fils argumentals perquè un impedeix la fluïdesa de l’altre, sense que en cap moment es tingui mai la certesa que caminin amb un ritme harmònic. Amb el que sí coincideixen és amb la fragilitat de la versemblança, i no perquè es vulgui treballar fantàsticament amb la realitat històrica ni perquè les proeses o les adversitats sentimentals dels protagonistes prenguin un rumb forassenyat, sinó pel to de les diverses veus narradores que s’alternen durant el desenrotllament de l’acció, propenses en tot moment a l’art de contemplar-se l’exhibició d’una suposada intel·ligència i cultura, a la recerca sempre de la sentència memorable i de l’exquisidesa intel·lectual, a favor sempre de l’alta cultura i contra el costumisme sense adonar-se que aquest hi pot aparèixer tant si es descriu un paisatge de barraques com una festa glamurosa amb poetes com a convidats d’honor i amb escultures damunt de pedestals. Més enllà dels episodis on el que es vol fer triomfar és la violència, amb uns resultats estètics que no acaben de convèncer gaire perquè fa l’efecte d’observar la descripció de les imatges d’un telefilm, Neopàtria és, al cap i a la fi, un cúmul de seqüències narratives on el que impera és el gust per l’expressió sentimentaloide a frec de la carrincloneria.

A Neopàtria hi ha un moment en què Bofill vol minimitzar la importància de Quim Monzó i el compara amb Homer, però ben poques pàgines després, una mica fatigat de tanta pedentaria, de tanta pompositat, de tant de discurs apocalíptic, el lector enyora la política-ficció segons Philip Roth a La conjura contra els Estats Units i lamenta perdre el temps llegint una novel·la senzilla, endolcida sentimentalment, que no crea cap mena de debat intel·lectual, i que si incita a la reflexió i al pensament, és per esbrinar com algú pot escriure d’aquesta manera, per exemple: “L’allau d’un desig va aplanar totes les distàncies, i ara em pregunto per què tota la vida no podria haver estat sempre aquest temps velocíssim que et porta a caure abraçat als turmells de l’amant, aquest dessagnar-se pels llocs més freds i asèptics (una sala d’embarcament, una parada de taxis) mentre saps que t’espera un guéiser de flames, una llengua amb mil agulles que et fendirà encara més endins”. Potser Jünger és encara una mica lluny, però almenys les lliçons de Danielle Steel estan ben apreses.»

Ponç Puigdevall, «Quadern», El País, 4 de gener